Par Julie Gedeon

Portée élargie, critères plus exigeants sur 15 ans

Engagement

L’Alliance verte rehausse régulièrement ses objectifs pour rester à l’avant-garde des changements en matière environnementale

À l’heure de souffler ses 15 bougies, l’Alliance verte reconnaît que l’un de ses plus grands défis se dresse toujours devant elle, c’est-à-dire garantir la décarbonation nécessaire du transport maritime d’ici 2050. « C’est un objectif incroyablement ambitieux, mais d’une importance majeure », déclare le président de l’Alliance verte, David Bolduc.

La décarbonation n’était pas encore le sujet de l’heure lorsqu’on commencé à parler de la création de l’Alliance verte, en 2005, mais la réduction des gaz à effets de serre (GES) et des autres émissions atmosphériques était déjà dans la liste des priorités.

Lors des rencontres préliminaires avant le lancement du programme, je me souviens d’avoir pensé : il faut définir dès le départ des cibles de réduction, sinon on n’y arrivera pas.

David Bolduc

Et puis le programme a pour mission de toujours surpasser la réglementation environnementale, on a dû sans cesse relever les cibles de réduction des GES au fil des ans.

DES CIBLES AMBITIEUSES

« Du côté des armateurs, nous avions d’abord établi que le niveau 5 – le plus élevé du programme – exigerait une réduction moyenne de 1,5 % du taux annuel d’intensité en GES, puis nous l’avions augmenté à 2 % une décennie plus tard (pour l’évaluation de 2017), explique M. Bolduc. En 2022, nous en sommes maintenant à 2,4 % de réduction annuelle des GES au niveau 5, parce que c’est le rythme nécessaire pour parvenir à la décarbonation souhaitée en 2050. »

Les indicateurs de performance sur la qualité de l’air ont également évolué, quoique différemment : alors qu’ils étaient axés sur les émissions de SOx et de NOx initialement, les critères ont fini par s’élargir aux matières particulaires.

Pour le volet terrestre, l’Alliance verte a joué un rôle de premier plan dans la normalisation de la mesure des émissions portuaires, grâce à une étroite collaboration avec Transports Canada. « Nous avons incité plusieurs administrations portuaires canadiennes à essayer le nouvel Outil d’inventaire des émissions portuaires (OIEP) lorsqu’il a été lancé, en sachant qu’il serait profitable que l’industrie dispose à terme d’une méthodologie commune pour évaluer les GES dans les ports », souligne M. Bolduc.

« En 2016, nous avons obtenu une licence exclusive de Transports Canada pour que nos membres du secteur portuaire au Canada et aux États-Unis puissent s’en servir sans frais, ajoute-t-il. Avant le lancement de cet outil, le Port de la Nouvelle-Orléans avait accepté de mener un projet pilote pour s’assurer qu’il fonctionnerait bien pour les administrations portuaires de l’Alliance verte, de part et d’autre de la frontière. »

En facilitant l’accès à cet outil, l’Alliance verte a aidé ses ports participants à atteindre le niveau 3 quant aux exigences relatives aux GES, lequel requiert un inventaire des émissions atmosphériques/GES. Il s’agit d’un exercice qui peut s’avérer coûteux à instaurer et à maintenir de manière indépendante.

Depuis, Transports Canada a transféré la gestion de l’Outil d’inventaire des émissions portuaires à Environnement et Changement climatique Canada.

DES APPROCHES ÉLARGIES

Au début de l’Alliance verte, la principale priorité des armateurs dans la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent concernait les espèces aquatiques envahissantes. « Nous nous sommes concentrés sur la création d’un indicateur de performance qui encouragerait et récompenserait ceux qui surpassaient les exigences réglementaires, surtout lorsqu’il s’agissait d’adopter de nouvelles mesures préventives et de nouveaux systèmes de bord, rappelle David Bolduc. Avec le temps, la convention internationale a fini par prévoir l’obligation d’installer des systèmes de traitement des eaux de ballast à bord des navires, et nous avons progressivement élargi la portée de notre indicateur de performance pour y inclure également la question de l’encrassement biologique. »

Dans l’ensemble, les priorités de l’Alliance verte – et plus récemment celles de l’initiative Green Marine Europe – répondent à des préoccupations similaires à ce qui prévalait il y a 15 ans lorsque le programme a été lancé.

Grâce à nos 14 indicateurs de performance, nous tenons compte des enjeux communs qui concernent la qualité de l’air, du sol et de l’eau, la biodiversité ainsi que, plus récemment, les relations avec les communautés.

David Bolduc

« Toutefois, les comités consultatifs régionaux font ressortir les différences géographiques et, surtout, nous donnent l’occasion de discuter en plus petits groupes avec les membres, que ce soit en personne ou en vidéoconférence, à mesure que l’organisation prend de l’ampleur, » ajoute M. Bolduc.

La plupart des indicateurs de performance de l’Alliance verte suivent une courbe à long terme au chapitre de l’amélioration continue, et la barre est continuellement relevée pour surpasser la réglementation. Par contre, en 2016, on a laissé tomber l’indicateur sur les résidus de cargaisons pour les armateurs, parce qu’il était clair que les participants avaient fait tout ce qui était possible. « Nous avons retiré cet indicateur parce que nous avions compris que tous les participants concernés étaient déjà au niveau 5 ou presque, et qu’une réglementation à peu près équivalente était sur le point d’entrer en vigueur », reconnaît M. Bolduc.

 

DE NOUVEAUX DÉFIS

Lorsque les responsables de Transports Canada ont relevé le bruit sous-marin parmi les problèmes émergents, ils ont demandé à l’Alliance verte de mener une étude sur les initiatives existantes au Canada et dans le monde concernant la mesure et la réduction du bruit sous-marin. Ce tour d’horizon a par ailleurs permis de développer un indicateur de performance sur le bruit sous-marin pour tous les armateurs et les ports de l’Alliance verte ayant des activités en mer.

« C’est notre comité consultatif sur la côte Ouest qui avait d’abord considéré cette question comme prioritaire, d’après l’expertise de WWF-Canada qui est l’un des plus fervents supporteurs de l’Alliance verte, convient M. Bolduc. Et c’est intéressant de voir que, quelques années plus tard, cet enjeu s’est finalement retrouvé au centre des préoccupations des participants dans le golfe du Saint-Laurent et au Canada atlantique, qui se préparaient déjà à y faire face dans le cadre de notre programme. »

Les administrations portuaires de l’Alliance verte ont aussi incité le programme à pousser davantage du côté des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), en demandant l’ajout d’un indicateur de performance unique pour les relations avec les communautés, qui serait complètement indépendant des critères liés à l’harmonisation des usages comme le bruit, la poussière et l’éclairage.

À mon sens, c’est une particularité unique par rapport aux autres programmes de certification dans l’industrie maritime.

David Bolduc

Toutefois, ça n’a pas été facile. « Tous nos indicateurs précédents tenaient compte d’améliorations environnementales mesurables à l’aide de technologies existantes », note la directrice de programme de l’Alliance verte, Véronique Trudeau. « Mais dans ce cas-ci, on a dû faire appel à des experts en sciences sociales pour nous aider à déterminer comment évaluer les progrès d’une communication efficace, en commençant par une définition claire de ce qu’était une communauté portuaire. »

Un autre indicateur de performance est aussi dans les cartons pour la fin de cette année, qui visera à souligner les mesures à mettre de l’avant dans les ports et les terminaux pour préserver et améliorer les écosystèmes aquatiques. Entre-temps, les chantiers maritimes disposeront bientôt de leurs propres critères plutôt que d’appliquer ceux qui définis pour les terminaux.

« Je pense que nous continuerons de préciser encore plus les critères selon les particularités des participants, comme on le fait présentement avec les chantiers maritimes, mais il faudra quand même résister à la tentation d’avoir trop d’indicateurs de performance, pense M. Bolduc. Notre programme doit traiter des enjeux majeurs sans submerger nos participants. »

DES COMMUNICATIONS PLUS FLUIDES

Cette année, l’Alliance verte a réalisé d’importants investissements pour permettre à ses participants d’évaluer plus facilement leurs progrès en vue de la certification annuelle, ainsi que pour faire connaître plus largement leurs efforts grâce à un site Web remanié.

« La version initiale du guide d’autoévaluation intelligent lancée en 2020 fonctionnait bien dans l’ensemble, mais il y avait quelques imperfections, soutient la directrice des communications de l’Alliance, Manon Lanthier. La nouvelle version du guide qui sera lancée l’année prochaine sera plus conviviale et plus facile à adapter à de nouvelles exigences, comme les nouveaux critères des chantiers maritimes. »

David Bolduc ne peut que féliciter les quelque 440 membres de l’Alliance – participants, supporteurs, partenaires ou associations maritimes – pour l’approche concertée qu’ils ont soutenue depuis 15 ans afin de consolider encore plus le caractère environnemental de l’industrie maritime nord-américaine, qui d’ailleurs était plus verte que les autres modes de transport déjà en 2007.

Nos participants ont accompli beaucoup de choses jusqu’à présent, et continuent de travailler activement à une plus grande durabilité dans les secteurs importants.

David Bolduc

« Nous avons également établi une confiance mutuelle avec nos supporteurs au fil de notre collaboration à des objectifs communs, et sans doute que nous les impliquons plus tôt qu’avant dans nos discussions, ajoute-t-il. D’ailleurs, l’augmentation rapide du nombre de nos partenaires reflète à quel point les solutions environnementales sont devenues vitales pour notre industrie, et c’est grâce à leurs innovations que nous pourrons trouver les solutions nécessaires. »

David Bolduc s’engage à maintenir la révision continue du programme pour que celui-ci continue de devancer la réglementation au cours des 15 prochaines années, qui s’annoncent déterminantes, et pour que la rigueur et la transparence du programme de certification de l’Alliance verte en Amérique du Nord et chez Green Marine Europe le maintiennent à l’avant-garde des progrès en matière de développement durable.