Un nouvel indicateur de performance environnementale sur les écosystèmes aquatiques s’applique désormais aux ports qui participent au programme de certification environnementale de l’Alliance verte.
« C’était le chaînon manquant », affirme Véronique Trudeau qui, en tant que biologiste aquatique, se dit ravie d’avoir pu superviser l’élaboration de cet indicateur à titre de directrice de programme au sein de l’Alliance verte.
« Il y avait déjà certains critères du programme pour réduire l’impact des opérations portuaires sur les écosystèmes aquatiques avoisinants comme les eaux portuaires, le littoral ou encore les ruisseaux, rivières et zones humides à proximité, mais il n’en existait aucun pour mesurer cet impact, comme c’est le cas pour d’autres indicateurs, explique-t-elle.
Selon les nouveaux critères, il faudra désormais évaluer la situation actuelle, surveiller la santé des écosystèmes aquatiques et fixer des objectifs d’amélioration.
Dans un premier temps, le comité consultatif de l’Alliance verte pour la côte Ouest avait soulevé la nécessité d’harmoniser l’industrie par rapport au mandat d’Environnement et Changement climatique Canada pour la protection des écosystèmes. On a par la suite inscrit au plan d’action de l’Alliance verte l’élaboration d’un indicateur à cinq niveaux pour le secteur portuaire.
« Il faut beaucoup de travail pour définir un indicateur de A à Z et s’assurer que chacun des niveaux soit suffisamment exigeant au-delà du niveau 1 illustrant la conformité réglementaire, tout en restant réalisable, explique Mme Trudeau. J’ai moi-même une formation en écologie aquatique, mais j’ai beaucoup appris sur les activités portuaires durant l’élaboration de cet indicateur, grâce à notre groupe de travail. »
Comme d’habitude pour les nouveaux indicateurs, celui sur les écosystèmes aquatiques sera facultatif la première année (rapport de résultats 2023) afin de permettre aux ports de mieux connaître tous les critères avant qu’ils ne deviennent obligatoires pour obtenir une certification. L’Alliance verte entend également collaborer avec les ports et les membres du groupe de travail en cours d’année afin de définir des lignes directrices pour certains des quatre niveaux au-delà du niveau 1 de conformité réglementaire.
Le nouvel indicateur incite les ports à adopter des moyens de caractériser les écosystèmes aquatiques et d’en assurer la surveillance, notamment en ce qui concerne la qualité de l’eau et des sédiments et les composants biologiques.
Compte tenu du nombre relativement élevé de critères à chaque niveau et de l’importance des efforts à fournir pour atteindre chaque objectif, le nouvel indicateur offrira une certaine souplesse pour la conformité à chaque niveau. « Par exemple, les niveaux 2, 4 et 5 comportent chacun sept critères différents, et le niveau 3 en compte six. Les participants devront satisfaire à un sous-ensemble de critères à chaque niveau », explique Mme Trudeau.
Chaque port est invité à répondre aux critères selon sa propre définition de ses zones d’influence immédiate et élargie.
« Nous avions besoin d’une définition souple, car le champ de compétence de certains ports s’étend en milieu aquatique au large de leur base terrestre, tandis que pour d’autres, la propriété s’arrête à la limite des eaux », explique Véronique Trudeau.
Suivant la progression des niveaux 2 à 5, les ports pourront passer de la caractérisation à la surveillance des écosystèmes aquatiques dans leur zone d’influence.
« Le niveau 2 incite les ports à effectuer une analyse documentaire des écosystèmes aquatiques avoisinants, à délimiter ses zones d’influence immédiates et élargies, et enfin à recenser et à établir des relations éventuelles avec des organismes du secteur environnemental, des instituts de recherche universitaires ou des agences gouvernementales susceptibles de favoriser la caractérisation et la surveillance à cet égard, et qui effectuent peut-être déjà une partie de ce travail », précise Mme Trudeau.
« Nous incitons les ports à travailler en partenariat dans la mesure du possible, afin d’éviter les dédoublements et de réduire la charge de travail ainsi que les coûts associés, ajoute-t-elle. Si le port ne dispose pas des ressources ou du temps nécessaires, et si personne d’autre n’effectue déjà des recherches semblables, il convient alors de se tourner vers des experts-conseils. »
Au niveau 3, les ports sont tenus de prendre des mesures visant à caractériser l’environnement aquatique. « Là aussi, il convient de privilégier les partenariats, si possible », souligne Véronique Trudeau.
Le niveau 4 inclut des critères ouvrant la voie à la surveillance des écosystèmes aquatiques. Il s’agit notamment d’élaborer un plan de gestion pour ces écosystèmes, et de mettre en œuvre des solutions durables. Au niveau 5, qui reconnaît l’excellence et le leadership, il s’agit de collaborer avec les parties prenantes à l’échelle locale et régionale pour que les efforts de surveillance du niveau 4 débouchent sur un programme de surveillance à long terme.
Le groupe de travail élabore actuellement les lignes directrices pour les critères de caractérisation et de surveillance de l’habitat, dont l’indicateur comporte quatre composantes principales.
L’indicateur inclut aussi d’autres critères sur la participation à des projets de recherche relativement aux écosystèmes aquatiques, ou encore sur la reconnaissance des efforts en matière d’éducation et de sensibilisation.
Par exemple, certains critères reflètent les efforts que pourraient faire les ports en vue de sensibiliser leurs utilisateurs et visiteurs sur la réduction des risques d’introduction ou de propagation d’espèces aquatiques envahissantes.
Les activités de dragage sont déjà assujetties à une réglementation serrée, mais ce nouvel indicateur incite à surpasser les exigences par divers moyens. Ainsi, au niveau 4, les ports sont invités à réutiliser les sédiments de dragage lorsque c’est autorisé, ou encore à participer activement à des études scientifiques ou à des projets pilotes visant à comprendre et à réduire les impacts sur la faune et l’habitat naturel découlant du dragage et de la gestion des sédiments.
Les critères pour accéder au niveau 5 comprennent entre autres une option pour réduire les activités récurrentes de dragage.
« En d’autres termes, il s’agit de trouver un moyen durable pour réduire l’accumulation des sédiments, explique Mme Trudeau. Bien entendu, il faut s’assurer que la solution proposée n’engendre pas un nouveau problème. »
Une autre option au niveau 5 consiste à avoir mené à terme depuis moins de 10 ans un projet de nettoyage des sédiments sur un site contrôlé par le port. « Par exemple, cela pourrait s’appliquer aux ports ayant été construits il y a de nombreuses années sur des sites d’enfouissement contaminés », dit-elle.
Dans le cadre d’un autre critère, on incite les ports à utiliser des techniques de dragage plus écologiques. « La vitesse de dragage est ainsi réduite pour atténuer la dispersion, même si ce processus est plus long, et donc généralement plus coûteux », note Mme Trudeau.
Certains critères concernent également la protection et la restauration des habitats, principalement aux niveaux 4 et 5. « Au début du processus d’élaboration de cet indicateur, j’ai demandé à tous les ports du groupe de travail de me transmettre une liste de tous leurs projets de restauration de l’habitat, ou de tout ce qu’ils faisaient déjà ou avaient fait par le passé en rapport avec leurs écosystèmes aquatiques, se souvient Mme Trudeau
En fin de compte, presque tous ces ports avaient déjà mené un projet de restauration ou participé à une telle initiative, souvent en lien avec la restauration des berges ou d’un habitat de poissons.
Certains de ces projets serviront d’exemples dans les lignes directrices des critères pour donner une bonne idée de ce qui peut être accompli. « Nous prévoyons aussi produire une annexe énonçant certaines lignes directrices pour définir un plan de gestion des écosystèmes aquatiques, notamment en ce qui concerne les exigences minimales », explique Véronique Trudeau.
Les projets réalisés dans le cadre d’un accord de compensation de l’habitat avec les autorités gouvernementales ne sont pas admissibles, à moins qu’elles permettent de surpasser largement les exigences du projet, ce qui satisferait alors à l’un des critères du niveau 4.