Le Port de Québec a lancé en début d’année un projet pilote de consultation citoyenne qui sort des sentiers battus. Elle a mis sur pied des « tables de bon voisinage » pour créer le dialogue directement avec le citoyen, en dehors des instances déjà en place.
« On voulait une activité conviviale qui permettait aux gens de de s'exprimer, » explique la directrice, relations citoyennes au Port de Québec, Éloïse Richard-Choquette. Les tables de bon voisinage n’ont pas le même mécanisme de rencontre plus rodé qu’on retrouve normalement sous la forme d’un comité; c’est davantage un atelier d’intelligence collective.
Là, on voulait vraiment créer un lien, puis un dialogue, pour que les gens soient à l'aise de discuter avec nous, de se mettre en mode constructif et de chercher collectivement des solutions.
Ce nouvel exercice s’ajoute au coffre à outils de l’équipe des relations citoyennes et ne vient pas remplacer les autres structures de collaboration déjà en place, comme le comité de cohabitation de l’Administration portuaire de Québec (APQ) ou le comité de vigilance créé par la ville.
« Au contraire, ajoute Mme Richard-Choquette, ce qui a ressorti des tables de bon voisinage, nous, on l’amène au comité de cohabitation pour qu’eux enrichissent ces idées-là encore plus loin, avec l'expertise qu’ils ont. »
Les tables émergent d’ailleurs des demandes de citoyens, dont certains ne savaient pas à qui se référer et ne se sentaient pas écoutés par le port. « C’est vraiment 100% du nouveau monde, ce ne sont pas des gens qu'on a l’habitude de croiser dans les autres comités, » confirme Florence Bisson, conseillère, relations citoyennes à l’APQ.
Cette dernière a eu la tâche de sonder le pouls des citoyens en amont des rencontres. Elle a d’une part épluché tous les signalements reçus pour compiler les préoccupations, puis l’équipe a fait circuler un sondage sur les réseaux sociaux pour recueillir les commentaires des citoyens et leur intérêt à participer aux tables.
« On ne voulait pas aller à l'aveugle dans ces rencontres-là, mais plutôt savoir un peu de quoi on va parler», explique Mme Bisson.
Poser directement aux gens des questions sur leurs préoccupations, ça permettait aussi de connaître ce sur quoi on voulait travailler, entamer une conversation.
Le Port de Québec ne s’est pas lancé seul dans ce projet unique de consultation citoyenne. Il a fait appel à une consultante externe, Anaïs-Monica McKay, M.Sc., consultante stratégique et facilitatrice - Processus d'innovation et de collaboration. Cette dernière est résidente de Limoilou et a bien réfléchi avant de se greffer au projet pilote : « je n’ai pas postulé sur ce rôle, Éloïse a fait appel à moi. On a beaucoup discuté d'abord de mon éthique là-dedans, comment je pourrais faciliter un processus où je suis vraiment concernée, comme mère qui habite dans Limoilou. Je me questionnais aussi sur ce que ça allait avoir comme impact aussi sur mon entreprise si mon rôle de facilitatrice indépendante était mal compris. »
C’est finalement l’engagement de l’équipe des relations citoyennes du port qui l’a convaincu. « J’adore le travail avec Éloïse, j’admire le courage qu'elle a d'être entre l'arbre et l'écorce, dit-elle. Ce qui est intéressant dans ce mandat, c'est vraiment la posture particulière que cette équipe porte, un espace de médiation et d’ouverture entre les besoins citoyens, puis les besoins de l'entreprise. »
Quand je présente des idées aux filles, elles embarquent, elles foncent et surtout, elles poussent fort pour avancer.
Le Port a créé trois tables de bon voisinage en fonction des secteurs sur son territoire: l’anse au Foulon, Beauport et Limoilou, et l’estuaire. Bien qu’il y ait partout sur le territoire des enjeux communs, les préoccupations ne sont pas les mêmes et le port voit une valeur ajoutée à procéder par zone géographique. « Par exemple, les croisières n’affectent pas Beauport et personne ne nous parle de la baie de Beauport à l’estuaire, note la directrice des relations citoyennes. »
Les tables reposent sur le concept de forum ouvert mais le port a poussé encore plus loin le processus. Ce sont les participants qui décident des points à l’ordre du jour. L’équipe établit d’abord une liste des préoccupations relevées par les citoyens. Celle qui revient le plus souvent est d’emblée un des termes abordés. Puis l’équipe soumet tous les thèmes aux gens présents, qui choisissent chacun quatre thèmes prioritaires. On dénombre ensuite les votes et les trois sujets les plus choisis sont mis de l’avant. Les thèmes mis de côté sont tout de même affichés sur un tableau et les citoyens peuvent y ajouter leurs notes, s’ils le souhaitent.
Pour la table de l’anse au Foulon, sur huit thèmes possibles, les enjeux discutés ont été l’accès au fleuve, l’agrandissement et la transformation, la circulation, et enfin nuisances sonores (le thème en tête de liste des préoccupations).
Les participants sont libres de circuler d’un tableau à l’autre pour échanger entre eux et avec un représentant du port. Ils sont invités à faire part de leurs inquiétudes ou irritants, mais aussi à proposer des solutions.
« C’est sûr qu’il y avait une certaine fébrilité de notre côté avant la toute première rencontre, c’était de l’inconnu», se rappelle Éloïse Richard-Choquette.
Mais ça été vraiment au-delà de nos attentes, les gens étaient très constructifs, très positifs dans leur approche. Ils étaient contents qu'on les écoute puis qu'on échange avec eux.
Même dans le secteur Limoilou, où les relations avec les citoyens sont particulièrement tendues, la discussion a été constructive. Anaïs-Monica McKay a le sentiment que bien que chacun apportait sa vision, le dialogue s’en est trouvé approfondi et que tous sont sortis avec un apprentissage de la discussion : « à Limoilou, les gens sont très informés et mobilisés, ce qui a mené à une conversation extrêmement riche sur différents points de vue. »
À la suite de chacune des tables, l’équipe de relations citoyennes du port propose un retour sur l’activité aux participants avec un résumé des discussions : les problèmes soulevés, les pistes de solutions mises de l’avant, les prochaines étapes et prochaines rencontres.
Le travail d’Anaïs-Monica Mckay et de l’équipe d’Éloïse Richard-Choquette n’est donc pas terminé. Ces rencontres initiales sont premières bases vers une discussion ouverte, capable d’évoluer tant à l’interne qu’avec les citoyens. « Mon rôle est à la fois de faciliter le dialogue avec les citoyens et d’outiller l’équipe pour qu’elle puisse travailler en synergie tant avec la communauté qu’avec les différents départements au port. C’est un mandat délicat pour moi, mais absolument stimulant compte tenu de la complexité des défis et des enjeux » conclut la facilitatrice.