Par Julie Gedeon

La COSBC fête ses 100 ans!

Q & R

La Chamber of Shipping of British Columbia (COSBC) célèbre son centenaire. Voilà une occasion toute désignée pour faire le point avec cette association membre de l’Alliance verte depuis 2011. La COSBC représente la voix unifiée des armateurs qui fréquentent les ports canadiens de la côte Ouest.

Bonnie Gee a été nommée présidente de la COSBC en mars 2023, mais elle travaille pour le compte de la Chambre depuis 31 ans, soit près du tiers de l’existence de celle-ci. Elle s’est jointe à l’organisme alors qu’elle était encore fraîchement diplômée de l’université. Notre collaboratrice Julie Gedeon s'entretient avec elle au sujet de l’évolution de la COSBC, de ses priorités actuelles et de ses orientations futures.

Diriez-vous que la nature du commerce a changé depuis que vous êtes à la Chambre?

Le volume des marchandises et la taille des navires ont considérablement augmenté, et les produits transportés sont beaucoup plus diversifiés. À cet égard, la quantité de conteneurs en transit au Port de Vancouver est dix fois supérieure par rapport à ce qu’elle était à mes débuts à la COSBC.

Comment la Chambre contribue-t-elle à tout cela?

Nous travaillons avec nos membres pour comprendre les défis inhérents aux politiques proposées, qui nécessiteront de modifier leurs opérations. En règle générale, nous incitons le Canada à suivre les décisions prises au niveau international afin de favoriser la cohérence d’un pays à l’autre. Pour ce faire, nous collaborons souvent avec tous les ordres de gouvernement.

Quel est l’objectif central?

Nous avons cette vision d’une industrie concurrentielle à l’échelle mondiale, qui contribue durablement à la prospérité du Canada sur le plan environnemental et au chapitre de la responsabilité sociale.

J’ai été ravie de constater combien nos membres sont proactifs en vue de répondre aux préoccupations environnementales et sociales.

Bonnie Gee, COSBC

Il y a 25 ans par exemple, ils avaient accepté de plein gré le transfert des eaux de ballast en milieu océanique, avant même que cela devienne obligatoire. Encore aujourd’hui, nous constatons une importante participation volontaire au programme ECHO de l’Administration portuaire de Vancouver-Fraser, qui vise à réduire le bruit sous-marin des navires.

Quels sont les défis liés à l’augmentation des échanges commerciaux?

Il faut dire que l’absence d’infrastructures adéquates pose des problèmes pour traiter le volume accru de marchandises, mais nous pensons également qu’il y a moyen d’améliorer l’efficacité des ports grâce à des investissements clés et à une meilleure mise en commun des données.

L’autre défi, c’est l’augmentation de la population côtière. 

De nombreuses personnes ne réalisent toujours pas que la présence des navires et des ports contribue à leur propre subsistance, à leur prospérité et à leur bien-être.

Avez-vous des exemples concrets de problèmes actuels en lien avec les collectivités locales?

Il n’est pas rare que les navires qui arrivent pour le chargement des exportations canadiennes doivent mouiller un certain temps au large de l’île de Vancouver. En effet, la plupart des cargaisons dépendent de deux transporteurs ferroviaires nationaux, et les navires sont souvent affrétés avant même que la cargaison soit prête à charger. Nos membres sont régulièrement appelés à gérer les plaintes des collectivités insulaires en lien avec le bruit et l’éclairage.

Nous avons travaillé de concert avec le Port de Vancouver et Transports Canada pour mettre au point un protocole provisoire visant à répartir plus équitablement l’utilisation des mouillages, mais ce n’est pas toujours possible compte tenu de la taille et du nombre limité de mouillages disponibles.

Étant donné que les chemins de fer sont souvent à pleine capacité, envisagez-vous de recourir au transport maritime courte distance?

Il y a certaines limitations qui font qu’une telle option n’est pas viable. Outre les coûts, il faudrait aussi des ressources fédérales pour permettre à d’autres sites (tels que Nanaimo) de décharger les conteneurs en tant que premier point d’entrée.

Quelles sont les autres priorités de la COSBC?

La décarbonation est une priorité pour tous les joueurs du secteur des transports. Puisqu’il y a actuellement une panoplie de carburants de remplacement à l’étude, les transporteurs transocéaniques ne sont pas en mesure de faire des choix clairs. Par conséquent, il est difficile de cibler l’infrastructure et les services qu’il faudrait aménager pour soutenir les navires.

Entre-temps, nous aimerions accroître l’optimisation des ports et la collaboration avec les partenaires de la chaîne d’approvisionnement pour améliorer l’efficacité des services existants.

Bonnie Gee, COSBC

Il s’agirait notamment d’arrimer le mieux possible le temps d’arrivée des navires, et il faudrait pour cela un meilleur partage des données.

Quelle est la place de l’Alliance verte dans un tel contexte?

L’Alliance verte dispose d’excellents outils pour aider ses participants à obtenir des résultats environnementaux qui surpassent la réglementation. Nous sommes de la même école envers nos membres, et nous les encourageons à en faire plus et à faire reconnaître leurs efforts en ce sens, par exemple en participant au programme ECHO Action ou aux récompenses environnementales décernées par les ports.

Quelle a été la réaction sur la côte Ouest à l’égard de certains facteurs indépendants de la volonté de l’industrie?

Nous avons traversé de nombreuses épreuves, puisque la chaîne d’approvisionnement a été perturbée par la pandémie, des blocages ferroviaires, des manifestations, des conflits du travail, des inondations et des incendies importants. Nous gérons mieux les perturbations. Le nouveau bureau des chaînes d’approvisionnement de Transports Canada devrait réunir toutes les parties concernées afin de tirer des leçons de ces situations pour mieux comprendre les défis, cibler les améliorations possibles et déterminer si certaines cargaisons, telles que les denrées périssables, peuvent être classées par ordre de priorité.

Nous avons également besoin d’infrastructures capables de résister aux conditions météorologiques extrêmes que nous connaissons actuellement.

Vos membres demandent-ils des changements particuliers pour accroître l’efficacité et la durabilité du commerce?

Nos membres veulent plus de fiabilité et de souplesse. Les exploitants remettent souvent en question la rentabilité des trajets vers les ports canadiens de la côte Ouest, car les perturbations ou les retards affectent leur calendrier, l’optimisation de leur flotte et leur empreinte carbone.

Quels sont les grands changements que vous avez constatés depuis votre arrivée à la COSBC?

D’abord, il y a l’adoption d’une législation aux niveaux fédéral et provincial à propos de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, et les incidences à cet égard sur la gouvernance côtière et maritime. Il faudra que les ordres de gouvernement clarifient entre eux les principes de la co-gouvernance dans ce contexte.

Par ailleurs, nous constatons que la main-d’œuvre a changé après la pandémie, et les gens souhaitent un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. La pénurie de marins est de plus en plus préoccupante, et il pourrait devenir irréaliste d’assurer la continuité des opérations sept jours par semaine à toute heure du jour ou de la nuit dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement pour soutenir la croissance des volumes. Il y a certaines lacunes qui pourraient être comblées grâce à l’automatisation et à l’intelligence artificielle, mais nous devons d’abord obtenir les données nécessaires pour déterminer comment utiliser au mieux ces outils.

Et bien entendu, nous devrons également nous attaquer au problème des changements climatiques!

Bonnie Gee, COSBC
Comment envisagez-vous de le faire?

Nous participons déjà à des discussions sur les moyens d’améliorer l’efficacité des ports afin de réduire la consommation énergétique et de minimiser les gaz à effet de serre. On ne peut peut‑être pas réduire les émissions de gaz à effet de serre dès maintenant avec des carburants de substitution, mais il s’agit quand même de comprendre dans l’immédiat comment nous pouvons améliorer les opérations pour réduire néanmoins les impacts sur l’environnement et les collectivités.

Comment entrevoyez-vous le prochain siècle pour la COSBC?

Je m’attends à des progrès majeurs en ce qui a trait à la flotte mondiale, car nous constatons déjà beaucoup d’innovation dans la conception et la technologie des navires, en vue d’atteindre un bilan net zéro d’ici 2050. La Chambre jouera un rôle essentiel pour appuyer d’éventuels changements à l’interface navire-terre, ainsi que dans l’adaptation des exigences législatives et réglementaires pour encadrer ces progrès.

Que souhaiteriez-vous d’autre?

Il faut reconnaître que nous n’avons pas vraiment d’autorité maritime forte malgré l’importance de notre pays sur le plan commercial. Il y a certainement une possibilité d’harmoniser davantage les organismes gouvernementaux pour favoriser la gestion du transport maritime.