Par Julie Gedeon

Des exploitants de remorqueurs investissent dans la durabilité

Leadership

Les exploitants de remorqueurs et de barges certifiés de l’Alliance verte s’efforcent continuellement de minimiser leur empreinte environnementale grâce à des équipements plus récents, à des sources d’énergie plus propres et à des collaborations novatrices. Voici quelques-unes des initiatives concrétisées par certains participants de l’Alliance parmi les armateurs exploitant des remorqueurs et des barges, soit Arrow Launch Service, Atlantic Towing, Marine Towing of Tampa et le Groupe Océan, qui célèbre cette année un demi-siècle d’exploitation. Bon 50e au Groupe Océan!

Arrow Launch Service

La société Arrow Launch Service a réduit ses émissions atmosphériques en modifiant sa flotte de bateaux-taxis afin de ne plus dépendre des génératrices diésel et en recourant plutôt à l’alimentation électrique à quai lorsque ceux-ci sont au mouillage dans les régions du Puget Sound et de Grays Harbor, dans l’État de Washington.

Détenue et exploitée par Jack et Terri Harmon depuis 1989, Arrow Launch Service est une véritable entreprise familiale, mais aussi un service public réglementé par l’État qui dessert les ports de Bellingham, Anacortes, Everett, Seattle, Tacoma et Port Angeles.

Il y a cinq ans, l’entreprise s’était qualifiée pour le financement de nouvelles génératrices subventionnées par la Puget Sound Clean Air Agency, mais l’avait finalement refusé. « Nous savions que nous pouvions faire mieux et nous avons donc entrepris de normaliser nos navires afin qu’ils n’aient pas besoin de faire fonctionner une génératrice dans un port, explique le président d’Arrow, Jack Harmon. Nous y sommes parvenus pour nos 13 bateaux sauf un, et nous travaillons encore à modifier le mode d’alimentation du gouvernail de ce dernier. »

Pour éviter le recours à une génératrice, la société Arrow a installé des éclairages à DEL plus efficaces, ainsi que des appareils de chauffage alimentés en courant continu plutôt qu’alternatif sur les autres navires. « Nous récupérons désormais la chaleur des moteurs principaux existants pour chauffer les bateaux en hiver », explique-t-il.

L’entreprise a procédé à l’examen des installations d’alimentation à quai dans tous les ports et toutes les marinas où elle exploite ses activités afin de déterminer le système de branchement le plus répandu. « Nous avons ensuite normalisé nos navires d’après ce modèle, mais nous avons également déterminé, avec l’aide d’un électricien vraiment doué, ce dont nous avions besoin en termes d’adaptateurs pour les autres systèmes existants », ajoute M. Harmon.

Aujourd’hui, n’importe quel de nos navires peut utiliser l’alimentation à quai dans l’un ou l’autre des sites que nous desservons

Jack Harmon, Arrow Launch Service

Dans le but de réduire à zéro les émissions de carbone, la compagnie Arrow a collaboré avec des architectes navals pour trouver des batteries suffisamment puissantes pour faire fonctionner les bateaux, tout en étant suffisamment légères pour ne pas compromettre leur vitesse de navigation (15-18 nœuds). « Nous pensions avoir trouvé la solution, mais nous n’y sommes pas encore tout à fait », explique M. Harmon.

L’autre problème, c’est qu’aucun des sites desservis ne dispose actuellement des capacités nécessaires pour charger environ 6 350 kilogrammes de batteries lithium-ion. « Nous discutons avec les administrations portuaires et les responsables des marinas pour mettre au point une approche normalisée, car nous souhaitons tous que les autres utilisateurs commerciaux et les plaisanciers se tournent eux aussi vers l’alimentation à quai », souligne Jack Harmon.

En attendant, la compagnie cherche du financement pour moderniser sa flotte avec des moteurs de norme Tier 3. « Tant que nous n’aurons pas résolu les problèmes d’alimentation par batteries, ce sont ces moteurs plus propres qui seront la solution désignée, explique M. Harmon. Nous avons donc discuté avec les législateurs de l’État pour envisager la mise en œuvre d’un programme semblable au Programme Carl Moyer, qui fournit des subventions à l’égard des moteurs, équipements ou autres dispositifs polluants pour l’air qui surpassent les normes exigées en Californie. »

Atlantic Towing

Atlantic Towing a réduit sa consommation de carburant, ses émissions atmosphériques et ses coûts de maintenance en installant un système à batteries hybride à bord de son ravitailleur de plateforme Atlantic Shrike.

Le système à batteries hybride intégré au système de propulsion diésel-électrique du ravitailleur permet d’obtenir des rendements encore meilleurs que ceux prévus initialement.

« Nous avions commencé avec des données précises sur la manière dont ce système pouvait économiser du carburant dans nos activités existantes, mais entre-temps, nos équipages ont découvert des possibilités pour tirer meilleur parti de l’alimentation par batteries dans nos opérations, ce qui nous a permis de réaliser des économies de carburant et de réduire nos émissions, explique Dan Vyselaar, directeur des technologies et du développement d’Atlantic Towing.

Notre mode tout électrique devait initialement servir aux opérations portuaires ou sur courte distance, mais nos équipages ont découvert que nous pouvions souvent l’utiliser pour les opérations de réserve par temps calme

Dan Vyselaar, Atlantic Towing

Il existe aussi d’autres possibilités, car l’entreprise recueille encore des données sur le nouveau système de propulsion diésel-électrique installé l’an dernier par Vard Electro Canada (un partenaire de l’Alliance verte) dans le cadre d’un important projet de modernisation.

Selon Vard Electro, la société Atlantic Towing a été la première entreprise à installer cette batterie multimode sur un navire du secteur pétrolier et gazier extracôtier au Canada. Le Fonds de réduction des émissions de Ressources naturelles Canada (géré par l’organisme Energy Research & Innovation de Terre-Neuve-et-Labrador) a fourni les fonds d’investissement pour le projet de modernisation.

Une fois les essais du système de batteries terminés, Atlantic Towing prévoit amorcer les essais de carburants de remplacement, notamment des biocarburants et peut-être du diésel renouvelable.

Atlantic Towing a également formé son équipage en entier pour l’identification des baleines dans les eaux côtières de l’Arctique, de l’Atlantique et du Pacifique, où ses navires transitent régulièrement.

« Nous avons travaillé avec le Réseau d’observation des mammifères marins afin que nos équipages puissent reconnaître les caractéristiques de chaque espèce de baleine et signaler plus précisément les observations », explique M. Vyselaar.

Marine Towing of Tampa

Marine Towing of Tampa a fait des progrès considérables dans la réduction de son empreinte environnementale, puisqu’elle utilise des biocarburants depuis mai 2023 pour sa flotte de quatre remorqueurs.

Le passage au biodiésel B20 a donné des résultats impressionnants. « Nous n’avons pas encore analysé toutes les données, mais on constate généralement une réduction de 17 % des émissions avec un carburant B20 », rapporte Lawrence LeDuc, responsable de la sécurité, de la conformité et du développement durable au sein de l’entreprise.

La société a obtenu sa première certification Alliance verte en début d’année. Marine Towing avait décidé d’adopter le programme afin d’obtenir des données de référence pour ses performances environnementales avant de s’engager dans d’autres améliorations.

« Nous avions déjà instauré certaines mesures grâce à notre certification ISM, mais pour certains indicateurs, comme le bruit sous-marin, nous avons dû faire preuve d’innovation pour instaurer de nouvelles politiques et pratiques », explique M. LeDuc.

En plus du nettoyage régulier de la coque et des hélices en cale sèche, nous avons adapté nos horaires pour que nos bateaux puissent ralentir un peu afin de réduire les bruits causés par la vibration

Lawrence LeDuc, Marine Towing of Tampa

L’approche proactive de l’entreprise ne se limite pas aux questions de pollution sonore : il y a cinq ans, chacun des quatre remorqueurs a reçu un certificat d’inspection conforme à la réglementation du « Subchapter M » sur les navires de remorquage. Sachant que ces réglementations allaient entrer en vigueur, Marine Towing avait pris des mesures proactives pour l’entretien, les mises à niveau, la documentation et la formation des équipages bien avant la date butoir, afin de respecter les procédures et les normes en matière de sécurité et d’environnement.

Pour comparer efficacement les émissions atmosphériques, l’entreprise utilise une base de données contenant les calculs de l’Agence américaine de protection de l’environnement pour différents carburants. Marine Towing a également investi dans un analyseur de gaz d’échappement pour étudier l’efficacité du biodiésel par rapport aux émissions. « Après avoir défini nos données de référence diésel, nous avons introduit le carburant B20 pour voir s’il se prêtait bien à nos moteurs, et quelle était la différence en termes de réduction des émissions », rappelle M. LeDuc.

Les émissions des véhicules et des navires de l’entreprise ainsi que les déplacements des employés sont suivis pour les réduire le plus possible. « Nous sommes déjà passés à l’éclairage à DEL pour économiser de l’énergie », note Lawrence LeDuc.

Pour la gestion des matières résiduelles, Marine Towing collabore avec un service local de gestion des déchets pour ramasser le verre, le métal et le plastique séparés dans différents bacs répartis sur le site, et les emporter dans un centre de récupération approprié. Tous les composants informatiques et électroniques sont consignés lors du ramassage avant d’être envoyés dans un centre de recyclage. L’huile usée est également recyclée.

Du reste, l’entreprise incite les expéditeurs à réduire l’emballage dans la mesure du possible. Le carton existant est ramassé par la Ville de Tampa pour aider à la combustion des résidus bruns sans recours à des produits chimiques.

M. LeDuc se montre aussi très enthousiaste à l’égard des éventuelles solutions novatrices en lien avec l’e-méthanol et l’e-ammoniac dont il a découvert le potentiel à l’occasion du colloque GreenTech de l’Alliance verte, en juin dernier.

Groupe Océan

Ces dernières années, le Groupe Océan a beaucoup investi dans la modernisation de sa flotte et l’ajout de nouveaux remorqueurs équipés de moteurs Tier 3 à haut rendement. L’année dernière, le groupe ajoutait à sa flotte l’Ocean Cypress, construit par Damen. Ce bateau fait désormais partie des neuf remorqueurs en service dans le Port de Vancouver et à proximité, ainsi que dans la région du fleuve Fraser, en Colombie-Britannique.

Photo: groupocean.com

« Nous avons installé des équipements sur certains de nos remorqueurs au Québec afin de déterminer leur vitesse optimale pour maximiser le rendement énergétique et réduire les émissions de carbone, ajoute Frédéric Maloney, directeur exécutif, Santé, Sécurité et Environnement du Groupe Océan. C’est variable pour chaque modèle de remorqueur, mais les économies de carburant et d’émissions sont de l’ordre de 10 %. »

Au cours des dernières années, le Groupe Océan a étudié et testé les biocarburants sur sa flotte. « Ça fonctionne extrêmement bien, sans aucun problème mécanique », soutient M. Maloney.

Le défi, c’est toujours d’en obtenir une quantité suffisante sur une base régulière et à prix raisonnable, car la chaîne d’approvisionnement est encore très limitée au Québec par exemple, et carrément inexistante dans certaines régions

Frédéric Maloney, Groupe Océan

L’entreprise évalue la possibilité de moderniser sa flotte à l’aide de moteurs électriques ou à batteries. « Nous avons encore quelques inquiétudes en ce qui concerne la capacité d’alimentation, la taille et le poids des batteries, ainsi que l’infrastructure côtière et l’approvisionnement hydroélectrique nécessaires, mais tout cela évolue rapidement vers une tangente qui semble positive », souligne M. Maloney.

Le Groupe Océan célèbre son cinquantenaire et prend toujours très au sérieux sa responsabilité sociale. Il y a trois ans, lorsque la compagnie a élargi ses activités vers le Port de Vancouver et le fleuve Fraser, sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique, l’équipe de direction avait rapidement ouvert le dialogue avec la Première Nation de Musqueam dans la région.

En début d’année, ces discussions ont débouché vers un accord de collaboration entre la collectivité de Musqueam et le Groupe Océan, qui donne préséance aux avantages socioéconomiques de cette communauté dans les processus de passation de contrats avec la compagnie.

« Dans le cadre de notre première initiative, cinq membres de la collectivité de Musqueam qui s’intéressaient à une carrière maritime ont suivi avec succès leur formation d’officier de quart au campus maritime du British Columbia Institute of Technology (BCIT). Ils ont ensuite fait un stage à bord, qui permettra à terme de les embaucher au sein du Groupe Océan, explique son directeur des affaires publiques et corporatives, Philippe Filion. Nous en sommes à cibler d’autres candidats potentiels, ce qui est formidable à un moment où notre industrie manque de bons marins pour renouveler ses effectifs. »

Le Groupe Océan vient également de signer un accord pour s’approvisionner en temps voulu en gaz naturel liquéfié renouvelable auprès de Nation Clean Energy, un autre partenaire commercial de la communauté de Musqueam.

« Ces initiatives ne sont que le début de ce qui pourrait se traduire, espérons-le, par une collaboration à plusieurs volets à l’avenir », ajoute M. Filion.

Le Groupe Océan ne se contente pas de réaliser un ou deux projets pour pouvoir dire qu’il a fait sa part, mais nous nous engageons au contraire à travailler ensemble à long terme

Philippe Filion, Groupe Océan

Le Groupe Océan utilise également trois de ses remorqueurs de dernière génération pour fournir des services de remorquage, d’escorte et de sauvetage à l’Administration portuaire jamaïcaine dans le Port de Kingston. « Nous avons récemment prolongé de cinq ans le contrat initial signé en 2018 pour cette plaque tournante commerciale des Caraïbes de plus en plus fréquentée », confirme M. Filion.

Il salue d’ailleurs le niveau élevé de formation qu’ont atteint les 30 employés que le Groupe Océan a embauchés à l’échelle locale, et qui ont réagi de manière experte récemment lorsqu’une fuite de gaz au port a nécessité une intervention d’urgence des remorqueurs pour sécuriser la zone portuaire touchée. « Tout le monde est toujours prêt à acquérir de nouvelles compétences, et c’est tout simplement formidable », conclut Philippe Filion.