C’est en misant sur la durabilité maritime que la société Algoma Central célèbre son 125e anniversaire. Basée à St. Catharines, en Ontario, l’entreprise est devenue un véritable chef de file du secteur maritime canadien.
Le transporteur franchit ce jalon alors qu’il possède et exploite la plus importante flotte dans les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent, composée de 29 navires en eaux canadiennes en plus d’une participation dans l’exploitation de 87 navires à l’échelle internationale.
Photo de couverture : Sergeant Master Media LLC
En août dernier, le président-directeur général d’Algoma, Gregg Ruhl, était tout sourire devant le gâteau d’anniversaire servi aux employés ainsi qu’à leurs parents, enfants et petits-enfants au parc H. H. Knoll Lakeview de Port Colborne, en Ontario. « Je suis très fier de faire partie d’une institution canadienne qui a résisté à l’épreuve du temps et qui continue d’investir dans l’avenir », déclarait alors M. Ruhl, qui s’est joint lui-même à l’entreprise il y a neuf ans au poste de vice-président principal.
D’abord créée sous le nom d’Algoma Central Railway, en 1899, la société se concentrait initialement à diverses activités des secteurs sidérurgiques, papetiers, immobiliers et de camionnage, mais l’exploitation maritime en faisait déjà partie par le volet du transport de passagers. Toutefois, c’est à partir des années 1990 que l’entreprise a surtout concentré ses activités dans le transport maritime.
Le directeur de la performance navale d’Algoma, Dave Belisle, se dit impressionné par l’expansion actuelle de la flotte : « Nous avons commencé l’année avec 18 navires en construction, en avons reçu 7 depuis et commandé 14 autres, si bien que plusieurs navires sont attendus. »
À la fin d’avril, l’Algoma Bear est arrivé à Sept-Îles, au Québec. Il s’agissait du 11e navire de classe Equinox au sein d’Algoma, et celui-ci a été baptisé en l’honneur du fameux logo de l’entreprise.
« Algoma a changé au fil des ans, mais notre ours a toujours symbolisé notre force et notre fierté à l’égard de ce que nous faisons », souligne la responsable des communications de la société, Hannah Bowlby.
Le premier navire de classe Equinox d’Algoma misait sur une conception novatrice, et avait contribué à changer la donne dès sa mise en service dans les Grands Lacs et la Voie maritime, en décembre 2013.
La conception de pointe et les nouvelles technologies confèrent aux Equinox une efficacité énergétique de 40 % à 45 % supérieure aux navires moins récents.
Le rendement des 11 navires Equinox est désormais évalué en continu pour optimiser le fonctionnement de tous les navires. « Une telle chose n’était pas possible par le passé avec tous les types de navires, explique M. Belisle, et ça serait impossible sans l’équipement de surveillance dont nous disposons aujourd’hui. »
La directrice des questions environnementales d’Algoma, Mira Hube, est du même avis : « Nous avons pris des mesures au cours des dernières années pour obtenir de meilleures données en installant divers systèmes de surveillance. »
C’est une avancée considérable qui nous aidera à préciser les prochaines étapes.
Au pays, la flotte de l’entreprise se compose de 18 transporteurs de vrac sec, 2 cimentiers et 8 transporteurs de produits raffinés.
Ces navires alimentent divers secteurs tels que le transport d’acier, d’agrégats, de ciment, de sel, de produits agricoles et de produits pétroliers.
Sur la scène internationale, Algoma construit de nouveaux navires-citernes avec son partenaire suédois FureTank. « Notre partenariat à parts égales FureBear est passionnant, car ces pétroliers 1A à bicarburation de classe “ice” obtiennent le meilleur classement pour l’indice d’intensité de carbone », explique M. Belisle.
Algoma détient également une participation de 50 % dans certains partenariats touchant huit navires qui font partie du plus grand parc mondial d’autodéchargeurs. « Nos navires à autodéchargement ont révolutionné le secteur puisqu’ils permettent la livraison de marchandises à des endroits où l’infrastructure nécessaire était autrement inexistante », précise M. Belisle.
La main-d’œuvre au sein de l’entreprise est étonnamment jeune. « En fait, près de la moitié de nos employés à quai (48 %) sont avec nous depuis cinq ans ou moins », explique Mme Bowlby, qui ajoute que les départs à la retraite et l’augmentation de la main-d’œuvre sont les principaux facteurs en cause.
La formation et la fidélisation des employés figurent parmi les priorités. « Tous les deux ans, nous menons une enquête sur la mobilisation des employés, et nous leur demandons de citer les bons coups de l’entreprise ainsi que les améliorations possibles, dit-elle. Notre infolettre mensuelle Bear Facts est publiée depuis 50 ans pour faire le point sur notre personnel et l’industrie. Et nous avons aussi un bulletin mensuel plus récent, Strive Together, où nous mettons en commun les pratiques exemplaires et les leçons apprises en matière de sécurité, afin que nos équipes puissent s’améliorer et rester au fait de l’actualité concernant nos flottes. »
Algoma a connu divers changements au fil de ses efforts pour la décarbonation. Même si le transport maritime constitue déjà le mode de transport le plus écologique, Algoma n’a pas hésité à tester les biocarburants sur cinq de ses navires en 2023, ce qui s’est avéré concluant. En utilisant du B100, le transporteur a réussi à accroître de plus de 70 % la décarbonation de ses activités.
C’est une époque passionnante pour les acteurs de cette industrie.
« Nous avons la chance d’avoir une organisation chevronnée ayant de grandes capacités et une situation financière enviable, ce qui nous permet de tirer parti des possibilités actuelles pour des solutions écologiques, et d’examiner d’autres avenues envisageables grâce à la volonté de nos dirigeants actuels, » déclare M. Belisle.
Il ne serait pas surpris qu’une ou deux sources d’énergie à faible teneur en carbone finissent par s’imposer dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent à la faveur d’économies d’échelle du marché, de la disponibilité des infrastructures et d’itinéraires définis.
Au début de l’année 2024, Algoma a obtenu une enveloppe de 600 000 $ dans le cadre du Programme de corridors maritimes verts de Transports Canada, afin de mener des études de faisabilité sur les biocarburants, l’alimentation à quai et la propulsion éolienne.
Ce financement permettra également à Algoma d’achever une étude sur le transport de conteneurs au moyen de remorqueurs-chalands articulés, et de commencer à étudier la prochaine génération de vraquiers.
Selon M. Ruhl, il faut accroître le financement de la recherche pour pouvoir faire des choix judicieux et ainsi éviter de dépenser pour des concepts qui n’ont pas fait leurs preuves.
« Ces études-là sont les premières étapes pour cibler les meilleures solutions de décarbonation dans l’industrie maritime, en particulier dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent, dit-il. Et le problème du carbone au Canada est un défi de société, si bien qu’il ne revient pas seulement à notre industrie d’en assumer la pleine charge, d’autant plus que nous offrons déjà le mode de transport le plus durable. »
Selon M. Belisle, la capacité de colliger et d’évaluer les données permet d’envisager les choses d’un tout autre angle.
« Nous disposons de données sur les performances de chaque navire depuis 2019, ce qui nous permet de déterminer exactement, par exemple, la force des vents le long de nos routes dans les Grands Lacs et la Voie maritime, ou encore la performance éventuelle des systèmes d’assistance éolienne pour réduire la consommation de carburant. »
Pendant qu’Algoma étudie la faisabilité du méthanol et des moteurs à faible vitesse, certains de ses concurrents s’intéressent de plus près aux batteries électriques, ou encore à des génératrices électriques qui pourraient plus tard être remplacées par des batteries. « Il faudra du temps et des efforts pour déterminer ce qui fonctionnera le mieux durant les trois prochaines décennies, puis élaborer un plan rigoureux auquel nous pourrons tous nous rallier », souligne M. Ruhl.
Mira Hube souligne que l’industrie maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent a l’habitude de se serrer les coudes devant des défis importants, car c’est la meilleure façon d’optimiser la mise en commun des ressources. Par exemple, Algoma figurait parmi les premiers participants du programme de certification environnementale de l’Alliance verte, dès la création de celui-ci il y a 17 ans pour collaborer sur diverses questions environnementales urgentes dans la région.
L’Alliance verte donne le ton à nos employés et à nos intervenants sur l’importance et la priorité que nous accordons au développement durable. Le programme nous a toujours fourni une bonne structure, c’est-à-dire un plan clair qui nous incite à faire toujours mieux.
M. Belisle reconnaît que le rapport biannuel de l’entreprise sur le développement durable contribue à mieux sensibiliser les employés. « Les gens se disent fiers de leur entreprise lorsque nous publions le rapport », dit-il.
Selon M. Ruhl, le réseau de corridors maritimes verts dans les Grands Lacs et le Saint-Laurent représente une belle occasion pour Algoma, CSL et d’autres transporteurs de faire valoir leur engagement générationnel sans précédent en faveur d’une industrie maritime soucieuse de ses émissions de carbone.
Nous devrions crier sur tous les toits ce que nous avons fait jusqu’à présent, puisque nous avons fait des progrès considérables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Puisque le réseau de la Voie maritime fonctionne encore à seulement la moitié de sa capacité, Algoma a devant elle d’énormes possibilités de jouer un rôle accru dans la chaîne d’approvisionnement logistique du Canada, notamment si d’autres modes de transport sont de moins en moins sollicités, estime M. Belisle. « La crise climatique ne fait que mettre en évidence l’efficacité du transport maritime », explique-t-il.
Toutes les idées réalisables sont déjà sur la table pour que l’entreprise puisse se tourner vers les prochaines grandes étapes en termes de développement durable. « Nous avons demandé à nos employés de formuler leurs suggestions pour notre plan stratégique à l’horizon 2030, précise Mme Hube. Les équipes techniques et d’exploitation ont également incité les équipages à soumettre leurs idées et suggestions pour nos prochaines constructions. »
La société a aussi retenu les services d’un responsable de la formation, qui pourra recenser les besoins en matière de formation sur les nouveaux carburants, la sécurité et les technologies émergentes, tout en s’assurant d’actualiser le programme de formation continue.
Enfin, le programme MVB (Most Valuable Bear) invite aussi les employés à nommer un collègue pour souligner ses efforts remarquables, qu’il s’agisse de collègues au sein du personnel de bord ou à quai.
« Nous sommes pleinement conscients que nos employés seront toujours notre ressource la plus précieuse », conclut M. Ruhl.