Par Jessica Currie, WWF-Canada

La restauration : un outil crucial pour la conservation de la nature

Parlons sciences

La restauration des écosystèmes est un outil essentiel pour la conservation de l’environnement. C’est pourquoi le WWF-Canada s’est fixé l’objectif ambitieux de restaurer d’ici 2030 un million d’hectares d’écosystèmes complexes perdus, dans le cadre de son plan stratégique « Régénérer le Canada ».

En quoi consiste la restauration, et pourquoi est-ce si important?

La restauration des écosystèmes est le processus qui consiste à favoriser la récupération des écosystèmes ayant été entièrement convertis à l’utilisation humaine, ou détériorés en raison des activités humaines. Il s’agit d’un moyen de récupérer des habitats pour la faune et la flore. Par ailleurs, les écosystèmes restaurés favorisent éventuellement le stockage du carbone.

Pour bien comprendre la restauration, il est important de faire la distinction entre les écosystèmes détériorés et les écosystèmes convertis. Un écosystème détérioré est un habitat naturel (par exemple une forêt, une zone humide ou une prairie) qui est devenu moins sain et moins favorable à la biodiversité et au stockage du carbone, en raison d’activités humaines telles que la pollution, l’introduction d’espèces envahissantes ou la déforestation. La détérioration s’échelonne sur un spectre, et c’est à l’une de ces extrémités que l’on retrouve les écosystèmes convertis. On parle alors d’un habitat autrefois naturel, mais désormais dominé par l’humain (par exemple les terres cultivées ou les zones urbaines).

Par conséquent, la restauration considérée globalement concerne à la fois les environnements convertis et détériorés, mais sa faisabilité varie cependant selon le type d’environnement. Les territoires convertis engendrent généralement des retombées plus marquées au chapitre de la biodiversité et du climat. En contrepartie, les régions détériorées sont habituellement plus faciles à restaurer puisqu’on n’y trouve pas d’infrastructures humaines importantes. À l’heure actuelle, nous disposons de données plus étoffées sur les écosystèmes convertis, si bien que le WWF-Canada concentre surtout ses études de ce côté-là.

Les bienfaits de la restauration

La restauration des écosystèmes comporte de multiples avantages. Elle permet non seulement d’élargir les zones où la faune et la flore peuvent prospérer et se reproduire, mais elle joue également un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique. En effet, les habitats restaurés et sains contribuent à la captation du carbone atmosphérique en le stockant dans les plantes et les sols. Cette double action sur le front de la biodiversité et des changements climatiques est essentielle au Canada, où l’on compte plus de 800 espèces animales et végétales menacées d’extinction.

Restoration-in-action. Credit © New Parallel Studios / WWF-Canada

En matière de conservation, le WWF-Canada privilégie une approche qui combine les principes de restauration et de protection. Dans les milieux où l’environnement est relativement intact, comme les régions septentrionales du Canada, la priorité est axée sur la protection des terres et des milieux marins pour prévenir leur détérioration ou leur conversion. Toutefois, dans les régions où l’impact des activités humaines est plus senti, il faut se tourner vers la restauration.

Les initiatives de restauration du WWF-Canada

De concert avec des partenaires universitaires, le WWF-Canada a récemment mené une étude ayant permis de recenser les écosystèmes canadiens qui présentent des possibilités importantes au chapitre de la restauration. Grâce à la cartographie des territoires convertis au pays, l’étude a permis de cibler les zones où la restauration aurait les plus importantes retombées pour la biodiversité et le climat (sauf les zones urbaines pour éviter les déplacements humains).

Les résultats révèlent que 3,9 millions d’hectares de terres converties présentent un important potentiel de restauration, principalement dans le sud de l’Ontario, au Québec et dans le sud du Manitoba. Cette carte des zones prioritaires recense des régions de toutes les provinces et territoires, ce qui s’avère crucial puisque le Canada a endossé l’objectif de restauration de 30 % cité dans le Cadre mondial de la biodiversité du Kunming-Montréal.

Donner la priorité à la restauration écologique des terres converties au Canada en intégrant spatialement le stockage du carbone organique et les avantages pour la biodiversité. (a) Avantages potentiels moyens et (b) totaux pour la biodiversité de la restauration des terres converties au Canada.

Source: Conservat Sci and Prac, Volume: 5, Issue: 6, First published: 03 April 2023, DOI: (10.1111/csp2.12924)

Dans les faits, le WWF-Canada agit déjà concrètement en matière de restauration. Par exemple, son Programme de subvention nature et climat, en partenariat avec Aviva Canada, soutient les groupes locaux et les collectivités autochtones dans la restauration des terres et des rivages détériorés et convertis partout au pays. Parmi les autres projets de restauration, soulignons le partenariat avec la Première Nation Katzie pour restaurer le bassin versant de la rivière Upper Pitt, ainsi que le soutien à la Secwepemcúl'ecw Restoration and Stewardship Society dans sa réponse aux incendies de forêt dévastateurs en territoire Secwépemc (notamment l’incendie d’Elephant Hill sur 190 000 hectares en 2017, et les incendies subséquents à Sparks Lake et à Flat Lake, en 2021). Près d’un million d’arbres seront plantés au cours des trois prochaines années en Colombie Britannique.

Dans le cadre de ces initiatives, la collaboration avec les collectivités autochtones s’avère essentielle afin de tenir compte de leurs priorités et de leur savoir, et pour faire en sorte que les activités de restauration qu’elles choisissent de mener sur leurs terres respectent le contexte, les valeurs et les connaissances locales, tout en leur étant profitables.

La voie à suivre

Les rapports scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations Unies soulignent encore et toujours l’urgence de restaurer les écosystèmes. Ces études mettent en évidence le rythme alarmant de l’augmentation de la température mondiale et de la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ainsi que leur impact sur les phénomènes météorologiques extrêmes, le déclin de la biodiversité et d’autres problèmes liés au climat. Il faudra des mesures immédiates pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius et éviter une catastrophe climatique. Ces mesures pourront se traduire par une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre et diverses solutions naturelles pour le climat, telles que la restauration des écosystèmes.

Du reste, cette restauration n'est pas qu’une affaire environnementale au Canada : il s’agit aussi d’un engagement envers les objectifs internationaux sur la biodiversité. En se fixant un objectif national de restauration harmonisé aux engagements internationaux, le Canada peut contribuer à freiner et à inverser le déclin de la biodiversité et, parallèlement, à atténuer le changement climatique. Comme le disait lui-même le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres : « Notre monde a besoin d’une action climatique sur tous les fronts — tout, partout, tout à la fois. »

Plus d’information sur le Programme de subvention nature et climat du WWF-Canada

À propos de l'auteure
Jessica Currie

Spécialiste principale au sein de l’équipe Science, Savoir et Innovation du WWF Canada. 

Jessica Currie est titulaire d’une maîtrise en durabilité de l’environnement de l’Université d’Ottawa et d’un baccalauréat en biologie marine de l’Université du Nouveau-Brunswick. Membre de l’équipe du WWF-Canada depuis près de dix ans, elle a récemment réalisé une analyse exhaustive des efforts de restauration au Canada pour le compte du WWF-Canada, l’un des supporteurs de l’Alliance verte.