Par Julie Gedeon

Le Port de Duluth-Superior est en bonne posture alors que Deb DeLuca part à la retraite

Larguez les amarres!

Le 15 mai dernier, l’heure de la retraite a sonné pour la directrice générale de l’Administration portuaire de Duluth, Deb DeLuca. Sous sa gouverne depuis 2018, l’administration portuaire a conclu des projets d’investissement à hauteur de plus de 35 millions de dollars en vue d’accroître l’efficacité, la capacité et la durabilité du Port de Duluth-Superior, notamment grâce à d’importantes améliorations au terminal maritime multimodal Clure.

Dès son embauche d’abord comme directrice des questions environnementales et des affaires gouvernementales en 2014, Mme DeLuca s’est démarquée pour améliorer la performance environnementale du Port de Duluth-Superior, notamment comme membre fondateur du programme de certification annuelle de l’Alliance verte. En octobre 2022, elle avait aussi été nommée au conseil d’administration de Green Marine International, qui chapeaute maintenant le programme, auquel elle a siégé jusqu’à sa retraite. Mme DeLuca a reçu la distinction pour services remarquables décernée par le Center for Transportation Studies de l’University of Minnesota, en 2021. Notre collaboratrice Julie Gedeon s’est entretenue avec elle pour faire le point sur le contexte actuel.

Beaucoup de gens continuent à travailler au-delà de l’âge officiel de la retraite. Pourquoi avoir décidé de partir maintenant?

Récemment, j’ai compris qu’on ne sait jamais combien de temps la santé nous permettra de rester actifs : mon mari a subi une chirurgie au dos, et des amis ont connu des problèmes de santé… Alors je voulais prendre ma retraite pendant que ma santé et celle de mon mari nous permettent encore de faire de la randonnée, du vélo ou du ski ensemble.

Et j’ai passé environ un an à évaluer si c’était le bon moment pour quitter l’organisation.

J’aimais mon travail et j’avais une équipe de rêve qui roulait à plein régime. Bref, j’avais le sentiment de laisser les choses en ordre.

Deborah Deluca, ex-directrice générale, Port de Duluth

Nous venions de renouveler notre plan stratégique et de terminer l’évaluation organisationnelle, et nous avions travaillé dur pour garantir du financement supplémentaire.

Votre départ à la retraite a coïncidé avec l’incertitude autour des politiques tarifaires et des relations commerciales. Avez-vous hésité à cause de cela?

Ça ne m’a pas fait changer d’avis, mais c’est vrai que j’ai passé les derniers mois à travailler d’arrache-pied avec l’Association américaine des administrations portuaires et l’Association des ports des Grands Lacs. Et nous avons rencontré des représentants fédéraux ou des États pour nous assurer de bien positionner notre port devant ces nouveaux scénarios. En fait, on peut dire que je ne me suis pas contentée de vider mon bureau! J’ai assumé mes responsabilités jusqu’au bout, parce que je me soucie vraiment du travail collectif que notre équipe accomplit. C’est plus délicat actuellement, puisqu’on ne sait pas toujours où trouver les meilleurs leviers, mais on essaie toujours de les cerner et de réunir les voix nécessaires pour faire évoluer les perceptions vis-à-vis de cette situation.

On dirait que vous avez fait de votre mieux pour préparer l’administration portuaire à l’incertitude qui se profile à l’horizon.

Ce que j’aimais beaucoup dans ce travail, c’était d’avoir toujours à résoudre des problèmes, que ce soit d’obtenir du financement ou de favoriser l’ouverture d’esprit chez nos intervenants. Et tout cela suppose de bien cibler le type d’information à communiquer, et la meilleure façon de le faire.

J’ai lu quelque part que vous considériez cela comme une partie d’échecs...

Comme chef d’équipe, il faut toujours tenter de faire avancer plusieurs dossiers. Dans le cas de l’administration portuaire, c’est une petite équipe, mais une équipe dynamique. Nous avons toujours mis les enjeux au centre de nos échanges avec l’industrie, que ce soit au niveau local, régional, fédéral ou continental. Bien sûr, le Canada fait partie de nos principaux amis et partenaires commerciaux. Bref, il y a toujours plusieurs parties prenantes, et plusieurs approches possibles : quand on avance sur un volet, il faut parfois ralentir un peu, le temps de définir une stratégie à cause d’un obstacle, ou se tourner vers d’autres enjeux compte tenu de nos ressources limitées. Et à travers tout ça, il faut savoir jauger la bonne occasion de relancer l’affaire…

C’est sans doute parce que j’ai fait partie de l’équipe nationale américaine de cyclisme que je comprends l’importance du travail d’équipe. J’aime toujours ce sport.

En cyclisme, le peloton vous donne un avantage aérodynamique, mais vous ne vous contenterez pas de suivre le groupe : on récupère un peu, on pense à la prochaine attaque pour se placer en tête, ou alors on guette le meilleur moment pour se détacher du peloton...

Bref, il faut absolument analyser pour comprendre la mission, le rôle, les forces et les limites d’une administration portuaire. Une organisation comme la nôtre est liée à tellement de projets différents. Et il arrive parfois que nos partenaires nous incitent à mener des initiatives qui ne relèvent pas vraiment de notre mission. D’où l’importance de bien définir celle du port, et d’examiner ensuite si ce qu’on nous demande répond au mandat.

Vous vous êtes engagée activement auprès de divers organismes sectoriels, notamment comme présidente du Minnesota Freight Advisory Committee, présidente de la Minnesota Ports Association, vice-présidente de l’Association américaine des Grands Lacs, et aussi au sein du conseil d’administration de l’Association américaine des administrations portuaires, de la Chambre de commerce maritime et de Green Marine International.
Pourquoi est-ce que c’était si important pour vous?

Le port accomplit beaucoup de choses, mais c’est une petite équipe. C’est grâce à nos partenariats que nous réussissons à en faire autant.

Deborah Deluca, ex-directrice générale, Port de Duluth

Et il faut dire aussi que l’équipe joue un rôle de premier plan dans ces discussions, puisque le terminal du Port de Duluth-Superior est le plus à l’ouest et c’est celui qui propose le plus grand tonnage dans les Grands Lacs. Les organisations sectorielles nous aident à orienter et à influencer les mesures législatives au-delà de notre État et de notre circonscription électorale. Lorsqu’on fait partie d’un regroupement quelconque, il faut s’intéresser à la façon dont il est géré, c’est-à-dire à son mode de fonctionnement. Toutes les organisations que vous avez mentionnées sont administrées très efficacement et nous ont aidés à atteindre des objectifs importants.

L’Alliance verte est un véhicule très efficace pour fournir des conseils en vue de surpasser la réglementation environnementale. David Bolduc est formidable dans la façon dont il dirige les réunions et fait progresser son organisation. Alors c’est sûr que j’ai voulu appuyer cet effort-là!

Nous avons beaucoup bénéficié de l’adhésion à l’Alliance verte, au chapitre de l’amélioration durable, de l’efficacité opérationnelle et du capital social. J’ai donc voulu rendre la pareille en siégeant au conseil de Green Marine International et en faisant la promotion du programme.

Je sais que vous n’aimez pas attirer l’attention sur ce sujet, mais vous êtes la première femme nommée directrice générale de l’Administration portuaire de Duluth. Faut-il y voir une évolution du secteur maritime?

Bien entendu, je suis ravie de voir davantage de femmes dans ce secteur, parce qu’il faut diversifier notre main-d’œuvre en y intégrant des hommes et des femmes d’horizons variés. Sans cette diversification, on obtiendra toujours les mêmes réponses aux mêmes questions, et l’équipe manquera de dynamisme.

Comme d’autres secteurs, le domaine maritime traverse une période de défis sans précédent, mais il ne faut pas se laisser impressionner.

Deborah Deluca, ex-directrice générale, Port de Duluth

Quand tout s’est arrêté pendant la pandémie, on a bien vu qu’il fallait réfléchir aux moyens de continuer. En ces temps difficiles, nous avons ciblé ce qu’il était nécessaire de faire, et élaboré un plan d'affaires assez flexible pour continuer à fonctionner. Et on l’a revu et mis à jour au fur et à mesure que la situation évoluait.

Ce qui ressort principalement de l’évaluation organisationnelle que nous avons effectuée récemment au port, c’est que nos processus sont solides même si certains aspects mineurs peuvent encore s’améliorer. Nos processus conviennent à la taille de l’organisation et à ses ressources financières. La culture organisationnelle de l’administration portuaire est forte. D’ailleurs, cette évaluation a mis en relief l’importance de maintenir cette culture positive pour assurer le succès du port. Je suis parfaitement d’accord : c’est essentiel. Ça veut dire comprendre et reconnaître les forces et les rôles des différents membres de l’équipe, et la façon dont ils travaillent ensemble ou en autonomie. Et ça veut dire rester ouvert à de nouvelles possibilités.

Je suis très fière du travail accompli par l’ensemble du personnel, ainsi que de la collaboration exemplaire entre l’administration portuaire et Lake Superior Warehouse qui exploite avec brio le terminal portuaire pour générer des activités portuaires et favoriser le développement économique régional grâce à des solutions flexibles pour la chaîne d’approvisionnement. Cela favorise la capacité concurrentielle mondiale de ce port et des industries régionales.

Selon vous, quels sont les défis à relever pour le Port de Duluth-Superior?

Pour que le port puisse remplir sa mission, il faudra entretenir ses actifs, les améliorer et les développer. En ce sens, l’administration portuaire aura beau vouloir optimiser ses activités, il lui faudra des fonds pour atteindre le bilan net zéro. Ce type de financement est moins accessible à l’heure actuelle, mais l’administration portuaire a défini un plan qui expose ses besoins et continuera de miser sur l’atteinte de ces objectifs en fonction des ressources disponibles.