À la veille de son départ pour Tokyo, où il sera Délégué général du Québec à compter de la mi-février, le Magazine de l'Alliance verte a rencontré Mario Girard, Président-directeur général du Port de Québec. Dans cette entrevue exclusive, M. Girard revient sur les réalisations marquantes du Port en matière de développement durable sous sa direction, les défis rencontrés et sa vision pour l'avenir.
En fait, nous sommes partis de zéro. Il y a 14, 15 ans, le développement durable n'était pas une priorité pour grand monde. Lorsque je suis arrivé au Port de Québec, j'avais deux grands piliers comme priorités. Le premier était financier dont notamment une augmentation des revenus pour stabiliser une situation précaire. Le second était d’instaurer une culture en matière de développement durable au port, qui était pratiquement inexistante à l'époque. Nous avons donc entrepris une réflexion sur la manière de positionner le Port de Québec comme un leader en développement durable.
Quelques années avant mon arrivée au port, alors que j’étais encore à la Fondation Entrepreneurship, j’avais rédigé une vision, à l’aide d’une éco-conseillère qui m’a beaucoup appris sur le DD, imaginant le positionnement futur du Port de Québec en matière de développement durable. Ce qui fait que quand je suis arrivé au port, j’avais déjà été bien préparé sur ces enjeux-là. J’étais vraiment motivé à faire du Port de Québec un modèle en matière de développement durable. C’était définitivement un élément de la vision que je voulais amener au port. Pourquoi je parle de vision? Parce que pour moi, c'est ça le plus important.
C'est quoi une vision, à quoi ça sert? C’est le baromètre qui te guide pour savoir si on va à gauche ou à droite dans les décisions de tous les jours. Devant un choix, si on se réfère à la vision, normalement, ça nous fait décider plus facilement la bonne voie à prendre, ça éclaire nos choix. La somme de ces décisions – gauche, droite, gauche, droite, c'est une image que je donne – font qu’après quelques mois, quelques années, tu as vraiment avancé vers quelque chose qui est beaucoup plus concret.
On se questionne, on évalue : à partir de cette vision-là, qu'est-ce qu'on pourrait mettre en œuvre? C'est ce qui a mené au premier plan d'action de développement durable, en 2014. C’était un plan ambitieux, sur deux ans. Je pense qu’au départ, je ne mesurais pas pleinement tout ce que ça voulait dire. Il a fallu bâtir une équipe, mobiliser les gens. À mon arrivée au port, il n’y avait qu’une seule personne en environnement, et encore, ça ne représentait qu’une partie de sa tâche.
Nous sommes passés d'une demi-personne à une équipe de 13 personnes. Ce sont des gens passionnés, engagés, qui ont choisi d'agir de l'intérieur pour faire avancer les choses. Un port n'est pas nécessairement l‘endroit idéal quand on souhaite être populaire ou que l’on pense développement durable; ça reste un milieu industriel, c’est gros, il y a des enjeux de toutes sortes. Mais j’ai été incroyablement bien supporté par des gens inspirés qui comme moi, ont choisi d’être des agents de changement de l'intérieur plutôt que des critiques de l'extérieur.
Mon ambition était de faire du Port de Québec l'un des meilleurs au monde. Pour cela, il fallait d'abord être parmi les meilleurs au sein de l'Alliance verte. La certification nous a motivés à viser l'excellence.
Nous sommes fiers d'être l'un des meilleurs, voire le meilleur, port en Amérique du Nord à avoir obtenu le niveau maximal de 5 sur 5 pendant six années consécutives.
Je pense que la clé du succès, ce qui fait qu’on est aujourd'hui rendu à notre 3e plan de développement durable qui inclut une stratégie ESG (Environnement, Société, Gouvernance), c’est que nous nous sommes toujours fixé des objectifs ambitieux mais surtout mesurables. On a vraiment mesuré toutes nos actions, au sein de l’Alliance verte, mais aussi dans les autres volets, comme au niveau du développement économique, par exemple.
Donc non seulement on a établi une vision claire, mais on a bâti une équipe qui adhérait à ces valeurs-là pour la mettre en action.
Le principal défi a été d'implanter une culture de développement durable au sein de l'organisation. Il n'y a pas de recette magique, mais il est essentiel que cela vienne du sommet – du premier dirigeant top down.
C'est pourquoi je suis resté impliqué pendant plusieurs années en tant que premier responsable du développement durable. Nous avons intégré le développement durable dès le départ, au cœur du bureau de projet. Pourquoi au bureau de projet? Parce que c'est là où 100% des projets du port, petits, moyens, grands, sont d'abord évalués. Ça permettait donc que les projets soient d’emblée considérés du point de vue du développement durable. L'objectif était de s'assurer que tous les départements soient alignés sur les 17 principes du développement durable des Nations Unies et de l’Agenda 2030 de l’AIVP. C'est une fierté d'avoir une organisation aussi mobilisée et motivée à rester un leader en développement durable. Aujourd'hui, ce n'est plus seulement une question de direction, ou d’un département de 13 personnes, c'est une culture qui est ancrée dans l'ADN de l'organisation.
Évidemment, elle est plus adaptée et précise. La vision 2035 met l'accent sur l'importance d'impliquer les citoyens et d'être reconnus pour notre gestion responsable du territoire, la protection de l'environnement et de la biodiversité. Nous voulons développer des chaînes d'approvisionnement de classe mondiale tout en respectant l'environnement et en travaillant avec la communauté.
L’incertitude qu’on vit présentement, avec par exemple toute la question des tarifs, nous amène à réfléchir sur l’importance du pilier économique du développement durable. Il faut un équilibre entre environnement, société et économie. Je pense qu’avec notre vision ESGDD bien ancrée, on peut, on doit même, accélérer de grands projets d'infrastructures et on est mieux équipés pour le faire.
Peut-être que lors des deux premières années, nous sommes allés un peu vite. J'ai peut-être été un peu trop ambitieux dans mes demandes envers mon équipe. Cela a été une période intense. En même temps, j’ai du mal à répondre à ça, parce qu’on avait un solide plan et je voulais le livrer! Donc, est-ce que je ferais les choses différemment? Peut-être encore et toujours communiquer davantage avec les citoyens parce qu’à chaque fois que l’on prend du temps de qualité pour s’asseoir ensemble, on arrive généralement à mieux se comprendre et à s’entendre. Mais globalement en matière de développement durable, je suis assez fier de ce qu'on a accompli, de notre parcours, fier de ma gang!
C’est déchirant comme question! Il y a plusieurs belles choses qui ont été réalisées comme le volet financier qui était l’une des deux priorités et qui est certainement un bel accomplissement. Mais ce dont je suis le plus fier, c'est d'avoir été le leader de ce groupe qui a développé, cru et agi à chaque jour pour faire avancer la vision que nous avions élaborée ensemble. De voir aujourd’hui le positionnement stratégique enviable du port pour nos chaînes d’approvisionnement, son rôle de leadership en lien avec les principes ESG, le développement durable et les relations citoyennes, ça c'est clairement un grand accomplissement pour moi. Je ne parle pas seulement de l'aspect environnemental, de biodiversité ou de décarbonation, mais aussi de relations citoyennes et d’économie. Aujourd'hui, quand je vois les gens de l’AIVP, de l'Alliance verte, nos pairs de partout dans le monde citer le Port de Québec en référence, ou nous demandant de partager notre parcours, me rend fier de mes 14 années comme capitaine de cet incroyable équipage.
@DF Motion
@DF Motion