Par Julie Gedeon

Les pratiques exemplaires des chantiers maritimes pour réduire leur empreinte

Engagement

Les participants du volet des chantiers maritimes disposent pour la première fois cette année d’une série exclusive d’indicateurs de performance environnementale, même si l’Alliance verte leur permettait depuis 2011 de mesurer leurs progrès d’après les critères qu’ils partageaient avec les terminaux. Certains chantiers maritimes sont très actifs depuis leur adhésion comme participants – ou même avant – dans le but d’améliorer leur caractère durable, et d’autres projets d’envergure sont en préparation.

Le présent numéro met en lumière quelques-uns de ces chantiers maritimes participants, et d’autres suivront à coup sûr dans le souci de l’Alliance verte de diffuser en continu les pratiques environnementales exemplaires et les solutions novatrices.

En 2011, la société Seaspan est devenue le premier armateur et chantier maritime de la côte Ouest à adhérer à l'Alliance verte. Depuis, sa division du secteur des chantiers maritimes a connu une croissance considérable. « Nous avons maintenant les trois plus grands chantiers maritimes de la côte Ouest au Canada, qui occupent désormais la majeure partie de nos activités », confirme Daryl Lawes, directeur principal des questions environnementales de Seaspan. « À eux seuls, nos deux chantiers maritimes de North Vancouver et de Victoria, en Colombie-Britannique, emploient plus de 3000 personnes. »

Du reste, l’entreprise a déployé des efforts considérables pour améliorer son efficacité, réduire les émissions, atténuer les impacts sur la communauté et diminuer la production de déchets dans ses installations.

Pour 2020, Seaspan s’était fixée comme objectif de détourner 50 % des déchets qui finissent normalement au dépotoir. « Je suis ravi d’annoncer que nous avons réduit la quantité de déchets de 75 % grâce aux efforts concertés de nos trois chantiers maritimes », déclare M. Lawes.

Chaque chantier maritime a mis sur pied un comité de réduction des déchets, où l’on retrouve des représentants de la gestion de projets, des métiers, des installations, des chaînes d'approvisionnement, ainsi que certains fournisseurs importants. Ces comités s’emploient à définir et à mettre en œuvre des initiatives de réduction des déchets. Ils ont entre autres éliminé les plastiques à usage unique, instauré l’utilisation de bouchons d’oreilles recyclables, et mis en place un programme de lavage des chiffons souillés qui seraient autrement jetés.

C’est stimulant de voir des gens d’horizons divers travailler ensemble pour atteindre cet objectif commun de réduction des déchets.

Daryl Lawes, Seaspan

Les équipes de maintenance de Seaspan ont instauré avec succès un programme pour remplacer les fluides hydrauliques par des lubrifiants écologiques pour la plupart des équipements mobiles du chantier maritime. « Il a fallu insister pour convaincre quelques-uns de nos fournisseurs de services d’un tel changement, mais nous pensions que c’était essentiel pour réduire les risques associés aux bris hydrauliques et aux déversements potentiels. »

La réduction de la pollution lumineuse et des nuisances sonores constitue une priorité de plus en plus importante, puisqu’il n’est pas rare que les habitations résidentielles se trouvent à proximité des chantiers maritimes. « Nous avons fait appel à des sociétés de surveillance pour recenser les sources de bruit et déterminer des moyens d’atténuer les nuisances que génèrent nos principaux équipements, explique M. Lawes. Nous portons une attention particulière à l’emplacement de nos aspirateurs et de nos systèmes de ventilation et, dans la mesure du possible, nous les avons entourés de parois insonorisantes. »

En 2022, l’équipe a embauché un responsable de l’énergie industrielle pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire les émissions sur les chantiers maritimes. « Nous avons réussi à atténuer considérablement notre impact au chapitre des gaz à effet de serre grâce à notre expert, qui est en mesure de déterminer où et comment notre énergie pourrait être utilisée de manière plus efficace, et de cibler les incitatifs des gouvernements ou des services publics. Nous avons ainsi économisé des sommes importantes, souligne Daryl Lawes. À eux seuls, les projets d’éclairage écoénergétique ont permis d’économiser plus de 450 000 kilowatts, ce qui est formidable! »

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La Washington State Ferries (WSF) exploite le plus grand réseau de traversiers des États-Unis, mais la société possède également le plus grand chantier maritime public américain. « La plupart des travaux sur nos 21 navires sont effectués à nos installations de maintenance d’Eagle Harbor. En fait, on y exécute tous les travaux qui ne nécessitent pas de cale sèche », explique Kevin Bartoy, responsable des questions de durabilité de la WSF.

« Bien que les défis environnementaux diffèrent quelque peu parmi les chantiers maritimes, les navires et les terminaux, la WSF aborde chaque situation avec le même souci », ajoute-t-il.

Nous veillons à communiquer nos priorités environnementales à l’ensemble de notre personnel pour assurer une vision cohérente du développement durable dans l’ensemble de l’organisation.

Kevin Bartoy, WSF

On peut penser par exemple aux essais en cours sur les dégraissants plus écologiques dans les ateliers de maintenance du chantier maritime. « Nous employons des produits plus respectueux de l’environnement pour évaluer leur efficacité, explique M. Bartoy. Si les résultats sont concluants, nous les utiliserons aussi dans les salles des machines de tous nos navires. »

Les membres du personnel sont invités à exprimer leurs idées. Une employée a d’ailleurs mené la charge pour favoriser le recyclage des nombreuses palettes de bois du chantier maritime. « Elle a trouvé un site où l’on transforme les palettes en copeaux pour l’aménagement paysager, raconte M. Bartoy. Cela permet non seulement de se débarrasser des stocks, mais aussi de réduire l’empreinte carbone pour permettre au bois de se décomposer naturellement au fil du temps dans une perspective utile. »

Les priorités de chaque nouveau projet sont notamment axées sur la santé, la sécurité et la durabilité environnementale. « À titre d’exemple, nous construisons un nouvel atelier de soudage qui sera situé sur la terre ferme plutôt que sur une jetée, comme c’est le cas actuellement, note M. Bartoy. Ce faisant, nous réduirons encore les risques de pollution environnementale associés aux activités de soudage, en particulier la pollution aquatique. »

Les installations se trouvent sur le site d’un ancien chantier maritime que l’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (EPA) avait identifié comme un site de déchets abandonnés admissible au programme gouvernemental de décontamination « Superfund ».

« Lorsque nous avons acquis cette propriété, nous avons entrepris de nettoyer les sols et nous avons aménagé des installations d’élimination confinée, qui contiennent des sédiments chargés de mercure ayant été exposés à l’environnement, précise Kevin Bartoy. Ces efforts se poursuivent sous la surveillance de l’EPA, notamment pour remplacer graduellement les pilotis créosotés par des produits plus écologiques. WSF bénéficie ainsi d’un meilleur environnement. »

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Heddle Shipyards est la plus grande entreprise canadienne de réparation et de construction de navires dans les Grands Lacs. Son site d’Hamilton dispose de trois cales sèches flottantes, et ses activités de Port Weller, à St. Catharines (Ontario), bénéficient de deux cales sèches de classe Seawaymax. Ces installations ont été reconnues pour leur performance environnementale au sein du programme de l’Alliance verte, en 2021. L’entreprise envisage d’inscrire également au programme ses activités de Thunder Bay dès l’an prochain.

Les chantiers maritimes travaillent sur des navires commerciaux, des traversiers publics, la flotte de la Garde côtière ainsi que sur des navires associés à la société Toronto Cruise Lines.

Dans le cadre du projet de modernisation des chantiers maritimes de l’Ontario, Heddle Shipyards a obtenu une enveloppe de 14 millions de dollars par l’intermédiaire du Fonds pour le développement des compétences, afin de se concentrer sur la formation des nouveaux employés et des employés actuels, et pour moderniser les équipements clés ainsi que les installations de formation qui seront dotées de technologies de pointe.

« Nous utilisons désormais la réalité virtuelle pour former les employés aux systèmes robotisés de soudage et de sablage qui seront non seulement plus efficaces, mais aussi plus écologiques en réduisant la dispersion des particules atmosphériques », explique Ted Kirkpatrick, directeur du développement commercial et des relations gouvernementales des chantiers maritimes Heddle. « Ce sont aussi des emplois mieux qualifiés qui présentent moins de risques pour la santé de nos employés actuels et futurs. »

Les efforts de l’entreprise pour favoriser la durabilité ont commencé par un programme exhaustif de recyclage.

« Nous recyclons un large éventail de matériaux provenant du recyclage et de la réparation des navires, et cette politique se prolonge aussi dans nos bureaux, où nous recyclons le papier bien sûr, mais aussi les piles et les cartouches d’imprimante », explique Dan Cummings, responsable de la santé et sécurité et des questions environnementales pour les chantiers Heddle. « Toutes les corbeilles de recyclage sont clairement étiquetées et facilement accessibles. »

L’équipe de prévention des déversements est formée pour installer et utiliser différents kits d’intervention en cas de déversement, qui sont accessibles sur les chantiers maritimes en cas de besoin.

« Nous avons également instauré une signalisation claire dans les stationnements pour sensibiliser tout le monde à la nécessité de prévenir les déversements, quels qu’ils soient », précise M. Cummings.

Heddle Shipyards cherche maintenant à quantifier ses émissions de gaz à effet de serre. « Nous entreprendrons un inventaire des GES pour la première fois cette année, ajoute M. Cummings. Nous calculerons les émissions selon les types et les quantités de combustible que nous utilisons dans nos chantiers maritimes pour faire fonctionner les équipements et les véhicules, afin de mieux recenser les moyens de réduire les émissions. »

D’autre part, les chantiers Heddle s’emploient déjà à électrifier leurs activités. « Nous venons d’acheter une plateforme élévatrice à ciseaux électrique, souligne M. Cummings. Et nous étudions actuellement la possibilité de fournir des véhicules électriques à nos travailleurs pour leurs déplacements sur nos chantiers maritimes. »

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La société Motive Power Marine de Tacoma, dans l’État de Washington, mise sur l’inspection, l’entretien et la réparation des barges. « La plupart des navires sont tenus d’accoster tous les cinq ans pour être inspectés et entretenus, explique son président, J.D. Schultz. Bon nombre de nos clients font appel à nos services pour réaliser ces inspections et effectuer les réparations sur l’acier ou la peinture de préservation. »

Le fondateur de l’entreprise, Ben McDowell, s’est toujours engagé à laisser l’environnement dans un meilleur état qu’il l’avait trouvé. M. Schultz considère qu’il s’agit là d’un élément essentiel pour l’avenir de ses enfants.

Nous cherchons sans cesse à cerner ce qui est possible pour un avenir plus durable, et nous avons vu en l’Alliance verte un programme qui nous permettrait de nous rapprocher de notre objectif en matière d’environnement.

J.D. Schultz, Motive Power Marine

Les préoccupations environnementales commencent dès l’arrivée du navire à quai. « Nos installations sont bordées de talus de rétention dotés d’égouts pluviaux souterrains qui isolent l’eau de l’entretien des navires, explique M. Schultz. L’eau est ensuite filtrée et rejetée conformément au permis de rejet des eaux usées industrielles de notre entreprise... Aucune eau n’est jamais rejetée dans le détroit du Puget Sound. »

Tous les matériaux d’acier et de zinc retirés des navires sont récupérés et expédiés vers des installations de recyclage locales.

Motive Power Marine s’emploie maintenant à améliorer considérablement l’efficacité et le caractère écologique de ses activités grâce à une subvention de 800 000 dollars de la U.S. Maritime Administration (MARAD) pour l’infrastructure des chantiers maritimes.

« Nous manquons actuellement d’électricité parce que nous partageons l’approvisionnement avec une installation située derrière la nôtre », explique Neal Gaulden, vice-président de la Motive Power Marine. « Grâce à ces fonds, nous pourrions collaborer avec la Tacoma Power et le Port de Tacoma pour aménager notre propre source énergétique. »

La subvention couvrirait également la conversion à des treuils et à du matériel de soudage à l’électricité. « En alimentant l’équipement grâce à l’électricité propre plutôt qu’avec du diésel, nous pourrons réduire les émissions atmosphériques, note M. Gaulden. L’analyse que nous avons réalisée indique également que les treuils électriques pourraient réduire les temps d’accostage et d’appareillage, et nous permettre de procéder à l’entretien d’un ou de deux navires supplémentaires par année. »

L’ajout d’un compresseur d’air plus puissant permettra également au chantier maritime d’achever les projets en moins de temps tout en réduisant les émissions.

« Avec la puissance suffisante, nous pourrons envisager d’acquérir des machines lourdes électriques qui réduiront encore les émissions », ajoute M. Gaulden.

Nous prévoyons également diverses améliorations au chapitre de l’énergie solaire, qui fourniraient de l’énergie propre au réseau de la ville.

Neal Gaulden, Motive Power Marine

Enfin, l’ajout d’équipement à l'électricité permettra de réduire nettement la pollution sonore pour les travailleurs sur le site, ainsi que pour les communautés avoisinantes.

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Gulf Marine Repair, une filiale de Hendry Marine Industries, se spécialise dans la réparation et la transformation de navires à Tampa, en Floride. Située au cœur du principal carrefour de distribution de carburant du centre de la Floride, elle procède régulièrement à l’entretien de grands pétroliers qui arrivent des raffineries de la Louisiane et du Texas, en particulier des remorqueurs-chalands articulés. Ces navires doivent être inspectés et entretenus fréquemment afin de garantir la sécurité du transport des produits pétroliers.

« Nous sommes ravis que Gulf Marine Repair ait obtenu la certification de l’Alliance verte l’année dernière, affirme le responsable des projets spéciaux, Hal Hendry. Bien sûr, nous avons encore beaucoup de pain sur la planche, mais c’était déjà très bien d’obtenir la certification dès la première année grâce à nos acquis. Et ça nous confirme que nous sommes sur la bonne voie. »

C’est M. Hendry qui a été chargé d’évaluer le programme de l’Alliance verte après que le conseil d'administration ait recommandé la mise en œuvre d’un programme environnemental, social et de gouvernance (ESG) et qu’un expert-conseil ait proposé le processus de certification.

Il existe de nombreuses organisations axées autour du principe d’ESG, mais nous avons apprécié la structure de l’Alliance verte et le fait qu’elle se concentre particulièrement sur l’industrie maritime.

Hal Hendry, Gulf Marine Repair

« Et la volonté que ses membres s’améliorent d’année en année nous a également interpellés, » ajoute-t-il.

Gulf Marine Repair avait déjà produit différents rapports sur des mesures environnementales conformément à la réglementation de l’État. « Le modèle de l’Alliance verte nous a aidés à rassembler, à organiser et à documenter ces renseignements en bonne et due forme pour les soumettre à la vérification, explique M. Hendry. Tout cela facilite désormais la présentation de ces résultats à d’autres intervenants. »

Au chapitre de la prévention des déversements et de la gestion des eaux pluviales, Gulf Marine Repair a retenu les services d’une experte-conseil pour définir un plan. « Elle effectue encore des inspections trimestrielles de nos installations pour s’assurer de la conformité continue de notre plan et veiller à ce que les améliorations nécessaires soient apportées », explique-t-il.

La division de la santé et sécurité et des questions environnementales de Gulf Marine collecte et analyse des échantillons d’eaux de ruissellement, pendant que sa société-sœur et partenaire de l’Alliance verte, Universal Environmental Solutions, veille à l’entretien d’une barrière flottante appelée « Watergoat ».

La barrière Watergoat empêche les déchets de pénétrer dans la baie de Tampa à hauteur d’un déversoir local d’eaux de ruissellement.

Pour éviter la dispersion de la poussière durant les opérations de sablage, l’entreprise suspend des bâches géantes entre le pont d’une barge et les murs en aile de cale sèche, ce qui permet d’aspirer ensuite les particules. « Nous encourageons également un plus grand nombre de nos clients à privilégier le nettoyage hydraulique, ajoute Hal Hendry. Le lavage à haute pression enlève la peinture sans créer de poussière. »

Gulf Marine Repair est déjà activement engagée dans la collectivité grâce à sa participation à la journée de nettoyage « Great Port Clean-Up Day » du Port de Tampa Bay, ou encore au sein du Propeller Club de la région, l’un des plus importants aux États-Unis.

« Les critères de l’Alliance verte nous ont aidés à comprendre que nous sommes déjà de bons voisins, conclut M. Hendry. Nous en sommes à restructurer notre site Web et nous voulons améliorer d’autres canaux de communication pour consolider davantage nos relations avec la communauté. »