Par Julie Gedeon

Une stratégie de transport durable pour le réseau SLGL

Gouvernement

L’Alliance verte contribue au plan d’action des gouverneurs et premiers ministres pour un transport maritime durable

Un rapport de l’Alliance verte recensant les possibilités d’améliorer le réseau de transport maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent a servi de tremplin à plusieurs autres initiatives de la Conférence des gouverneurs et des premiers ministres des Grands Lacs et du Saint-Laurent, en plus de permettre un examen plus approfondi de certaines retombées du programme de certification environnementale.

« Le rapport de l’Alliance verte présenté aux gouverneurs et aux premiers ministres de notre région l’automne dernier a aidé à élaborer leur plan d’action quinquennal et leur stratégie de développement durable du transport maritime au sein du réseau », affirme le nouveau chef de projet pour l’Initiative maritime de la Conférence, John Schmidt. « Le rapport a donné le coup d’envoi de nos priorités et a contribué à faire avancer nos objectifs maritimes, pendant que la Conférence ajoutait un nouveau directeur de programme à plein temps pour diriger ces travaux d’importance. »

La Conférence avait commandé le rapport dans le cadre de sa nouvelle stratégie régionale visant à doubler le commerce maritime tout en réduisant l’empreinte écologique de ce mode de transport. L’Alliance verte a élaboré le rapport en collaboration avec le Groupe de recherche et de trafic, sur la base des meilleures pratiques de ses participants et à partir d’une enquête sur les initiatives européennes.

À l’exception des mesures de résilience et d’adaptation au climat, toutes les recommandations font déjà partie des indicateurs de performance de plus en plus exigeants de l’Alliance verte, qui sont utilisés pour évaluer et mesurer les améliorations.

« Comme ailleurs, les participants de l’Alliance verte dans la région des Grands Lacs et du Saint-Laurent s’engagent à améliorer la qualité de l’air, à protéger la biodiversité, à maintenir la qualité de l’eau et à minimiser les impacts sur les communautés », explique Véronique Trudeau, directrice de programme de l’Alliance verte chargée de l’étude. « Cependant, le rapport a également relevé la nécessité d’en faire plus, tant en matière de décarbonation que de gestion des matières résiduelles.»

Nous avons suivi le conseil de l’Alliance verte, qui soutient qu’on ne peut pas gérer ce qui ne se mesure pas.

John Schmidt
Inventaire régional des émissions

La Conférence a condensé les conclusions de l’Alliance verte afin de produire un plan d’action pour l’écologisation du transport maritime, qui donne la priorité pour les prochaines étapes à plusieurs des recommandations de l’Alliance. La faisabilité d’un inventaire des émissions figure en tête de liste, en vue de fixer des cibles de réduction pour le système maritime régional et de mesurer les progrès accomplis.

Anthony Aird, Unsplash

« Nous avons suivi le conseil de l’Alliance verte, qui soutient qu’on ne peut pas gérer ce qui ne se mesure pas. En ce sens, nous avons travaillé avec l’ICCT (International Council on Clean Transportation) afin de créer le tout premier inventaire des émissions des navires exploités dans le réseau des Grands Lacs et du Saint-Laurent, relate M. Schmidt. L’ICCT a pu regrouper les données de chaque navire pour faire ressortir les quantités d’émissions et leurs concentrations selon le type de navire, la fréquence des trajets ou l’étroitesse de la zone. »

L’inventaire initial de la consommation d’énergie et des émissions des navires dans les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent en 2019 a été publié en mars, et les données pour 2020 et 2021 sont attendues plus tard cette année. « Nous sommes impatients de travailler avec l’ICCT pour fournir un inventaire annuel à l’avenir », ajoute M. Schmidt.

 

Réanalyse des écluses du Sault

L’insistance du rapport de l’Alliance verte sur les émissions de gaz à effet de serre a également incité la Conférence à examiner de plus près les plans des nouvelles écluses du Sault. « Nous avons passé un contrat avec l’Axia Institute, qui peut compter sur l’expertise des chercheurs de la Michigan State University dans la recherche de solutions durables pour les chaînes de valeur, afin de voir comment nous pouvons maximiser l’efficacité, la sécurité et la performance environnementale grâce à diverses technologies, explique John Schmidt. Par exemple, on peut penser à la gestion du trafic maritime pour faire en sorte que les navires se présentent seulement lorsque vient leur tour de passer les écluses, sans perdre de temps ni de carburant à attendre ou à se presser inutilement pour y arriver. »

Les systèmes d’amarrage mains libres avaient été installés aux écluses le long de la Voie maritime du Saint-Laurent surtout pour des raisons de sécurité, mais ces dispositifs permettent néanmoins de gagner du temps sur le passage de chaque navire dans chaque écluse, explique M. Schmidt. Cela se traduit par des économies importantes de carburant et une réduction marquée des émissions.

On se penche également sur les meilleurs moyens d’utiliser parallèlement les écluses existantes et les nouvelles prévues au Sault en ce qui concerne le trafic et la maintenance du réseau.

Exploration des biocarburants

D’autres recherches ont été lancées sur la faisabilité du recours aux biocarburants après que le rapport de l’Alliance verte ait noté son potentiel pour réduire les gaz à effet de serre rapidement et de manière importante, surtout s’il s’agit de biocarburants de deuxième génération (dérivés de résidus agricoles, d’huile de cuisson usagée ou de déchets municipaux).

« Lorsque le rapport de l’Alliance verte a détaillé certaines des réductions d’émissions potentielles, ça nous a vraiment poussés à repenser les possibilités des biocarburants comme tremplin vers un avenir plus vert », explique John Schmidt. La Conférence a ensuite commandé un rapport à des étudiants de la Michigan State University pour étudier les facteurs de l’offre et de la demande concernant l’adoption des biocarburants.

Dans le cadre de leurs recherches, les étudiants ont consulté le personnel du Groupe CSL, de Sterling Fuels, de la Chambre de commerce maritime et d’autres experts.

Publié à la mi-janvier, le rapport sur l’utilisation du biodiésel marin (Maritime Biodiesel Use Case) a conclu que les subventions et les crédits canadiens et américains pourraient contribuer à présenter les biocarburants comme une source plus attrayante de carburant de remplacement écologique. Pour accroître l’offre et compenser l’écart de prix, il faudra toutefois du soutien financier. Le rapport note que la variation de 12 % à 14 % de la densité du carburant ne serait pas un facteur énorme dans les Grands Lacs, où les navires peuvent se ravitailler en carburant en effectuant des arrêts portuaires plus fréquents.

Depuis, la Conférence a mandaté Innovation Maritime (un partenaire de l’Alliance verte) pour la réalisation d’une analyse plus détaillée. « Les chercheurs d’Innovation Maritime examinent le cycle de vie complet du carbone en fonction des différentes générations de biocarburants, de leurs densités énergétiques comparatives, ainsi que de leur approvisionnement probable compte tenu des politiques gouvernementales actuelles et éventuelles, dans la perspective où tous les types de transport devront émettre moins de carbone, note M. Schmidt. Nous espérons que certains résultats de la première phase de recherche seront disponibles dès cet été, puis nous pourrions commencer la deuxième phase de cette analyse.»

L’électrification des ports

Le rapport de l’Alliance verte a également évoqué les avantages possibles, en termes de coûts à court terme et de viabilité à long terme, pour l’aménagement de systèmes d’alimentation électrique plus directs pour les navires dans les ports. L’électrification s’avère une avenue particulièrement intéressante dans les ports où l’hydroélectricité renouvelable est facilement accessible.

Selon les conclusions du rapport, l’alimentation à quai devient plus économique lorsqu’un navire effectue des escales régulières et fréquentes, puisque les clients industriels qui utilisent une quantité fixe et importante d’électricité paient le tarif le plus bas.

Par conséquent, l’étude recommande d’évaluer le coût de l’alimentation à quai d’un armateur d’après un nombre fixe d’escales mensuelles, et de commencer cette évaluation dans les ports d’autodéchargement les plus fréquentés, compte tenu des heures d’accessibilité et du rythme régulier des visites.

Les résultats ont incité la Conférence à s’intéresser davantage à l’électrification. Dans cette optique, une étude interne a permis de noter que l’industrie maritime des Grands Lacs et du Saint-Laurent est confrontée à des défis uniques en matière d’électrification, à commencer par le besoin de technologies et d’équipement susceptibles d’offrir une certaine fiabilité dans les conditions hivernales plus rigoureuses.

Les armateurs qui renouvellent ou modernisent leur flotte pour l’électrification pourraient aussi être désavantagés sur le plan économique par rapport à ceux qui conservent des navires traditionnels à combustible fossile, à moins qu’une éventuelle subvention transitoire soit prévue. Enfin la taille et le poids importants des batteries actuelles représentent un autre défi qui nécessitera plus de travaux en recherche et développement, puisque celles-ci auraient une incidence sur la manutention des marchandises, ce qui causerait un désavantage concurrentiel aux navires commerciaux électriques.

L’intendance de la Norvège

À l’heure actuelle, les laquiers à propulsion électrique sont limités à de courtes distances régulières entre des ports disposant d’installations de recharge facilement accessibles. Mais ça peut tout de même peser dans la balance. Par exemple, depuis son électrification en 2021, le vraquier Yara Birkeland en Norvège ne peut transporter des marchandises que vers des villes proches compte tenu de la capacité de ses batteries. Néanmoins, ses activités représentent tout de même l’équivalent de 40 000 trajets annuels par camion.

Voyage du Yara Birkeland de Horten à Oslo

Du coup, on estime que 80 % des traversiers norvégiens seront partiellement ou totalement électrifiés cette année en grande partie grâce à plusieurs mesures gouvernementales, notamment une taxe sur le carbone qui incite à réduire les émissions, une baisse des tarifs d’électricité et la participation d’une entreprise publique qui distribue des fonds totalisant quelque 638 millions de dollars pour accélérer la transition. L’organisme E-Ferry, qui se consacre à la conception et à la construction de traversiers électriques, a également fait remarquer que si les nouveaux navires sont à peu près 40 % plus chers, leurs coûts d’exploitation représentent approximativement seulement le quart de ceux d’un traversier au diésel et peuvent être rentabilisés en quatre ou cinq ans.

« Cependant, les armateurs pourraient hésiter à faire les investissements majeurs nécessaires pour électrifier leurs navires s’ils n’ont pas l’assurance de disposer de bornes de recharge et d’une alimentation électrique fiables et rentables, explique M. Schmidt. Nous avons donc réalisé une enquête qui nous aidera à créer une carte pour recenser les types d’alimentation à quai déjà disponibles dans les ports, qu’il s’agisse des navires de croisière, des traversiers, des navires de marchandises ou des équipements à quai, afin de dresser un portrait plus net de ces installations comme point de départ éventuel vers l’instauration d’un corridor maritime véritablement vert.»

Priorité aux investissements

La carte et les données sur les GES permettront de mieux déterminer les endroits où les nouvelles installations d’alimentation à quai auraient le plus d’impact en termes de réduction des émissions. « L’enquête cherche également à connaître les défis auxquels les ports sont confrontés lorsqu’il s’agit d’installer du courant à quai », ajoute M. Schmidt.

L’enquête cherche également à connaître les défis auxquels les ports sont confrontés lorsqu’il s’agit d’installer du courant à quai.

John Schmidt

« Nous pensons que le coût, les contraintes opérationnelles et les questions touchant la demande éventuelle sont les principaux obstacles à l’installation d’un plus grand nombre d’installations d’alimentation à quai, dit-il. Nous prévoyons d’autres recherches sur les sources et les mécanismes de financement pour les administrations portuaires qui souhaiteraient installer l’alimentation à quai.»

Le rapport de l’Alliance verte a permis de brosser un portrait global de certains des efforts les plus importants ou les plus notables en matière d’environnement et de durabilité au sein du secteur maritime régional depuis cinq ans, en posant des questions supplémentaires à certains participants lorsque des renseignements complémentaires étaient nécessaires.

« Ce fut un exercice très pertinent parce que ça nous a permis de nous pencher sur les pratiques exemplaires et les initiatives spéciales de nos participants, même si nous avions déjà leurs résultats de performance annuels, souligne Véronique Trudeau. Nous avons pu brosser un tableau plus complet en réunissant ainsi tous les succès relatés dans notre infolettre depuis cinq ans. »

Réduction obligatoire des déchets

Comme pour la décarbonation, la nécessité pour l’industrie de mettre plus d’efforts en matière de gestion des matières résiduelles est soulignée par les exemples de réussite et les consultations auprès des participants de l’Alliance verte. « C’est clair que ce n’est pas le sujet le plus inspirant, mais c’est quand même un énorme problème mondial et un aspect où notre industrie peut sans doute en faire beaucoup plus », soutient Mme Trudeau.

L’une de nos recommandations consistait à renforcer les principes 3RV dans la culture du secteur maritime, c’est-à-dire réduire, réutiliser, recycler et valoriser...

Véronique Trudeau

Le rapport a notamment reconnu l’importance de réduire davantage les déchets à la source et d’éviter le plus possible d’expédier les déchets vers les incinérateurs et les sites d’enfouissement, en vue de réduire l’impact sectoriel . « L’une de nos recommandations consistait à renforcer les principes 3RV dans la culture du secteur maritime, c’est-à-dire réduire, réutiliser, recycler et valoriser, notamment lorsqu’il s’agit de trouver des moyens de réduire les déchets à la source », rappelle Mme Trudeau.

Les autres recommandations préconisaient par ailleurs l’augmentation des inventaires annuels de déchets pour caractériser et mesurer les différents types de matières résiduelles, puis l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan de gestion. On a également suggéré d’insister davantage sur les achats durables et les projets d’économie circulaire.

« Depuis la production du rapport il y a un an, nous constatons déjà une meilleure gestion de la part de nos participants sur la base des résultats du rapport de 2021, et nous prendrons probablement des mesures pour encourager davantage ces efforts », conclut Mme Trudeau.